Zorgol94 a écrit :Comme disait Rahan, l'homme qui marche debout doit observer et chercher à comprendre pour survivre.
Oui, et cela éviterait bien des déboires.
Lorsqu'on est jeune - rien de péjoratif mais c'est un fait que nous vivons tous -, on est plus attiré par la surface des choses sans en voir vraiment le fond. Combien de fois par exemple me suis-je fait avoir par de beaux petits minois dont la profondeur d'âme était plus que douteuse, ne correspondant pas du tout au niveau de leur beauté. Pareil en mécanique : combien de fois voulais-je absolument qu'un fait mécanique se déroule comme je le voulais et non pas comme il était intrinsèquement, genre "ça va bien le faire"...et bien sûr ça ne le faisait pas...
On passe notre vie à croire que ce que nous sommes en cet instant est la totale et absolue vérité sur nous même, et le plus grave c'est que nous prenons des décisions terribles dans état d'esprit (normal...) qui ont un retentissement sur plusieurs années alors que nous changerons...

La même décision prise plusieurs années après serait vue comme étant ridicule...
Nous trainons ainsi des tonnes de conséquences dont nous devons nous occuper en essuyant leurs plâtres.
Partir sur les routes isolé de tout permet de bien visualiser ces casseroles, leurs places et leurs poids...
Une autre chose m'a frappé ces dernières années.
On a en voyageant la folie d'aller "ailleurs", surtout lorsqu'on commence. On croit qu'ailleurs les hommes seront différents. Ils ont d'autres costumes, d'autres langages et d'autres habitudes...mais en fait, les égoïsmes sont les mêmes, leurs épaisseurs ont un poids identique et les egos se ressemblent terriblement. Un beau connard français est le même en Allemagne, en pays sami ou en Italie...seul son costard change mais il sera aussi vulgaire et stupide.
Ce genre de prise de conscience pique et laisse agar un bon moment car on se dit "à quoi bon rencontrer les mêmes horreurs ailleurs" ?
On est ainsi déstabilisé et une sorte de tristesse arrive en cours de voyage. C'est la fin de quelque chose.
Et ce n'est pas la seule...
Ce sont des étapes que l'on passe, voire des épreuves. Ces épreuves sont comme une succession de labyrinthes dont les centres changent comme leur taille...
On se prends à comprendre que l'on voyage pour "échapper au monde", puis pour "voir d'autres choses", puis pour "se chercher soi-même" etc... mais ces labyrinthes ont toujours le même centre que l'on apporte avec soi : moi.
Si rien ne change alors on devient épouvantablement narcissique et on finit par ressembler à un magnifique Méphisto qui s'imagine intéresser la terre entière avec ses frasques. Mais tout le monde s'en fout, sauf quelques idiots ou impuissants qui sont aussi bien devant une télé ou un hamburger.
Reste alors, si on arrive jusque là, la solution de voyager pour rien.
Quand l'homme ne tue pas l'homme, il tue ce qu'il peut, c'est-à-dire ce qui l'entoure. L'homme sort de son cadre, veut prendre la place des forêts et des animaux, souille les rivières, pollue l'air, se multiplie sans raison, se bâtit un enfer et s'étonne ensuite naïvement de n'y pouvoir vivre. Mais lorsqu'il décide de ne plus "briller" ainsi, il tente de se rapprocher du visible et l'invisible, qui est à l'oreille de la brousse : il cherche le langage des oiseaux qu'il entend subitement, lit les traces des animaux sur le sol et les taches lumineuses que le soleil projette à travers le feuillage. Il sait interpréter le bruissement des quatre grands vents et des quatre vents secondaires ainsi que la marche des nuages à travers l'espace.
Tout devient alors simple et signe de langage. Il n'y a plus rien à prendre, plus rien à comprendre, plus rien à analyser. Il y a seulement à converser avec l'univers de choses et des êtres. Ou non.
Les animaux se cachent pour sourire...et le sens de mes voyages est de me cacher comme eux.