J13 : Le lendemain, nous reprenons la route sous la pluie. Je ne suis pas très motivée pour me lever mais il faut avancer car le voyage est loin d'être terminé. Nous quittons le camp en milieu de matinée et franchissons le cercle polaire ... sans nous en apercevoir ou presque!Ici, pas de superstructure de bois et de verre abritant un gigantesque magasin de souvenirs comme c'est le cas en Norvège, une simple sculpture de métal avec des rennes qui paissent paisiblement à ses pieds. LesFinlandais n'exploitent pas le filon "cercle polaire" comme le font leurs voisins. Nous photographions les rennes et repartons. Je repense avec émotion à la première fois où nous avons coupé cette ligne magique , au milieu d'un fjord Norvégien lors de notre premier voyage et je me souviens de la sensation décrite dans notre récit que je vous livre: "sur le pont nous guettons le passage du cercle polaire. l'air se fait plus pur et plus vif, l'océan semble se tendre et vire au vert glacier. les montagnes semblent faire le dos rond et tout à coup, la balise est là...une mapemonde de fil d'acier , plantée sur la rive. le souffle du grand nord passe sur nous ..."
Nous atteignons Sodankylä qui abrite la plus vieille église en bois de Finlande datant de 1689. Une véritable merveille ! Toutes les pièces sont travaillées et ajustées, du bois blond et luisant émane une douce lumière et une odeur de pin très forte qui rappelle un peu un biscuit cuit, flotte dans l’air. Nous ne l’avons pas aperçue tout de suite, alors que nous déambulions dans une pinède qui abrite le cimetière à l’entrée de ce gros bourg. Elle était dissimulée par les grands pins .C’est sans doute cela qui l’a sauvée et lui a permis d’échapper à la politique de la terre brûlée de la Wehrmacht en 1944.
Des écureuils roux jouent dans les arbres et nous restons un moment à les observer.
Nous nous apprêtons à reprendre la route après cette pause calme et beauté lorsque nous voyons débouler une 2 CV6 vert pomme. Un couple souriant en descend et se dirige droit sur nous…pas de doute, c’est nous qu’ils veulent voir. Attirés par notre attelage, ils sont venus rencontrer l’équipage.Ce sont des Sames amoureux de la 2CV! et ils en possèdent 2 dont ils sont très fiers. La deuxième une 2CV Van des années 70 est l'un des 2 exemplaires qui existent et roulent encore...( l'autre est restée en France ). Ils sillonnent la Finlande et l’Europe du Nord avec .
Comme nous nous extasions sur leur petite église (dans laquelle ils se sont mariés) ils nous expliquent l’origine de l’odeur : un goudron végétal tiré de la sève de pins et utilisée pour durcir et rendre étanche le bois. Nous papotons un bon moment , ils sont vraiment charmants et faisons même un point pompe à essence. Ils nous expliquent qu' en fait dans cette région, il y a un Statoil à peu près tous les 200 kms ce qui oblige à être prévoyant. Pas question de tomber en panne sur une route où pratiquement aucune voiture ne circule. Nous repartons finalement vers Petküla.
Le ravitaillement de l'Ural quelques 150kms plus loin se fait donc en pleine nature.
Pour l'instant, je calquais mes pauses pipis sur les pauses essence, profitant des toilettes des Statoils mais là c'est une autre histoire. J'ouvre une parenthèse, j'ai promis à Dan de raconter cette piteuse mésaventure donc je m'exécute...
Je profite d'un arrêt en lisière d'une jeune forêt de bouleaux pour m'éloigner et trottiner jusqu'à une clairière loin de la route. Il n'y a pas grand monde, mais on ne sait jamais... Sans un regard autour de moi, (première erreur !!) je baisse mon pantalon et ma culotte et réalise alors avec horreur que le nuage grisâtre qui m'entoure n'est autre qu'un nuage de moustiques. Engoncée dans mon blouson de moto et mon K Way, je ne peux rien faire pour repousser les assaillants assoiffés de sang qui se sont rués sur moi, je protège tant bien que mal mon visage et mes oreilles mais pour le reste … ils se régalent ! Je me fais bouffer le derrière et les cuisses. Dès que je le peux, (c'était un gros pipi), je remonte précipitamment ma culotte et mon pantalon (deuxième erreur !!) et embarque les plus accros de ces petits monomaniaques assoiffés de sang. Je rejoins Alain en courant, en faisant des bonds désordonnés, en me tapant sur les cuisses et les fesses pour essayer d'écraser les moustiques que j'ai malencontreusement coincés dans ma culotte... Alain, résigné et habitué à mes extravagances démarre sans un mot et ne comprendra pourquoi je sautais convulsivement sur mon siège dans le side-car et me tortillais dans tous les sens pendant que nous roulions que lorsque, au soir il verra les boudiffles qui ornent mon postérieur. Ah les affreux, ils ont bien festoyé mais j'ai au moins eu la satisfaction de tous les écrabouiller. Pas un n'en a réchappé...c'est là que j'ai compris que pour les filles, faire pipi en Laponie c'était un véritable cauchemar. Dès le lendemain, j'ai investi dans un répulsif made in Finlande « off » et j'ai pris l'habitude de me vaporiser généreusement … partout !!
Pour l'heure, Alain a repéré un camping (au bord d'un lac!) sur la carte mais rien, nada !, pas le moindre panneau, pas la moindre indication et ce n'est que lorsque nous tombons dessus en bord de route que nous découvrons tous les panneaux entassés sous le porche de l’ancien chalet d’accueil;
en fait le camping n’est plus signalé sur la route probablement suite à un déclassement pour cause de non-conformité des sanitaires notament…(on comprend un peu pourquoi) un WC unique installé au-dessus d’une fosse sans sciure avec un trou noir et nauséabond qui semble nous regarder par en dessous comme un œil malveillant. Pas question que je mette mes fesses là-dessus !!! Mes terreurs d’enfance remontent, à l’époque, je redoutais de tomber dans le trou... et c’est donc derrière la cabane et non dedans que je ferai mes petits pipis, mais avec la pluie qui s’abat sur nous en averses denses dans les heures qui suivent, je n'ai pas le moindre complexe. Et les moustiques à moitié noyés me fichent la paix.
En dehors de ce problème de sanitaires, la partie réservée aux campeurs est très grande et bien entretenue, située dans une belle pinède où nous sommes seuls ; De l’autre côté des petites hytters accueillent pas mal de monde, des pêcheurs pour la plupart et quelques familles. Nuit de pluie et de vent mais nous sommes bien à l’abri au chaud et au sec dans la Puckette.
