uraleur a écrit : 07 déc. 2023, 14:08
Reprendre ce récit ou le laisser là, pantelant, comme un écheveau abandonné.
Plus le temps passe et plus c'est difficile de reprendre le fil d'une actualité vagabonde, dépassée par la vie qui court. Et elle court vite la vie, déjà plus de 4 ans, le 1er avril 2019 je partais pour un voyage de 7 mois qu'une partie de mon entourage m'annonçait catastrophique avec une telle monture.
Ne serait-ce que pour rassurer sur mon sort ceux qui m'imaginaient abandonnant mon side démantelé sur une piste mongole, je vais terminer ce récit.
Un autre événement qui a retardé cette décision c'est la « perte » des ¾ de mes photos de voyage, Le téléphone volé (en France!) et quelques temps après le sac à dos oublié dans un bus avec la tablette qui contenait la sauvegarde de toutes mes photos. Quelques 3000 instants de voyage disparus; N'étant pas habitué à ce genre de mésaventures, hormis une forte contrariété, je ne peux m'empêcher d'y voir le dessein de la main de la Destiné qui aurait décidé d'un : « On efface tout et on recommence ». Je rassure les plus prosaïques, il peut aussi s'agir d'actes manqués réussis !
Je rembobine un peu... :
Le 9 juillet 2019, nous (Renée et moi) venons de passer le col Kyzyl Art (4280 m) et nous redescendons vers le poste frontière du Kirghistan. Ciel gris, bas et pluie glaciale ajoute à la fatigue cumulée. La piste de terre rouge est rendue glissante et dangereuse par la pluie et des ruisseaux la traversent de toutes parts. Conduite prudente au sortir de la partie difficile de ce voyage (la Pamir highway) et paradoxalement, alors que nous aurions pu nous réjouir de la fin de cette traversée des contreforts himalayens, c'est le contraire qui se produit. Au fil de la descente de ce col, la grisaille du ciel semble s'appuyer sur nous et nous enfonce dans une sorte de mélancolie. Comme si l'attelage que nous sommes devenu, fragilisé par la dureté des lieux, avait tenu face et grâce à l'épreuve de ce parcours et, une fois la difficulté surmontée, l'attelage se fissurait.
Après 2 heures de descente nous arrivons transis au poste de douane kirghise. Selon l'usage je me déchausse, j'entre et en apercevant le douanier je lance un « bonjour » et je reçois en retour un « I don't like french people ». Pour faire bonne mesure je répond par un « me too ». Pour finalement recueillir un sourire. Mais l'informatique est en panne (à cause du mauvais temps ! ». Alors on patiente 1 heure, 2 heures, Renée est gelée et n'en peut plus d'attendre. Alors nous négocions avec le douanier et un jeune allemand décidé à dormir sur place dans son 4x4, pour que ce dernier nous remette le lendemain, à l'hôtel de Sary Tash, le certificat d'immigration.
Après avoir traversé une large vallée contrôlée par d'anciens dômes de protection des radars de la période soviétique, nous arrivons dans le village de Sary Tash et malgré l'accueil chaleureux du jeune homme qui gère le charmant petit hôtel (et la station météo), l'humeur n'est pas au beau et après une soupe chaude chacun s'endort sans mot dire.
Le lendemain matin, comme convenu nous récupérons nos certificats d'immigration et nous profitons du soleil revenu pour admirer le massif du Pic Lénine tout en dissertant sur la Royal Enfield Himalayan de notre hôte.
Petite marche sur la colline surplombant le village et les vallées environnantes et nous redescendons faire provisions et pleins d'essence (dans le petit magasin, peu de légumes mais beaucoup de vodka!). Départ vers Sary Mogol au pieds de Vladimir Illich et une heure plus tard nous montons vers le camp de base du Pic Lénine. Les pistes se séparent, se rejoignent et montent à travers des pâturages, l'Ural chauffe, je m'égare et perds la bonne direction... c'est le moment de faire une pause casse-croute pour les uns et rafraichissement pour l'autre. Petit point sur la direction à prendre et l'Ural nous emporte vers les cimes enneigées ! Nous décidons de planter la tente avant le dernier ressaut qui protège l'accès au plateau glaciaire sur le quel s'alignent les tentes du camp de base.
Une journée autours du camp de base pour constater le recul du glacier et la pollution du torrent qui traverse le camp par d'innombrables déchets plastiques ( à + de 3000 m d'altitude!). En fait nous errons un peu hébété dans ce paysage magnifique, sous le regard glacial de Lénine qui culmine à 7134 mètres.
Retour au bivouac, où notre petite tente nous attend au bord d'un joli torrent qui fend comme un fil d'argent l'émeraude de la prairie surplombant Sary Mogol. Le soleil disparaît au loin et fait place à une petite brise glacée et à un énorme yack qui rentre au bercail comme un forcené et qu'heureusement nous n'intéressons pas. La vérité c'est qu'au vu de la taille de l'animal et de ses cornes une certaine angoisse nous avait envahie en le voyant se diriger vers nous.
Le lendemain retour à Sary Tash, provisions dans la même boutique qu'à l'allée. Sur 4 clients, je suis le seul étranger et le seul à ne pas acheter de vodka. On doit s'ennuyer ferme à Sary Tash !
(Je n'ai que peu de photos, mais en plus je ne sais plus comment les insérer dans ce post!)