Je suis à présent à Irkoutsk depuis hier.
Laisser moi vous parler un peu d’Irkoutsk pour commencer. Je sais, il y à Wikipedia mais si vous lisez ces lignes, vous n’allez pas en plus vous taper des recherches sur le net!
Irkoutsk a été baptisée le Paris de la Sibérie. C’est une ville magnifique . Encore une que l’on doit aux cosaques. Ils installent ici un comptoir en 1652. Pas fous les cosaques, ils vont commencer à prélever des taxes sur les marchandises qui passent par là. Il faut dire que Irkoutsk est au confluant de 3 rivières dont l’Angara large et navigable (Michel Strogoff arrivera par là) et l’Irkout qui donnera son nom à la ville. Avec la découverte d’or, le lieu deviendra vite très animé et très mal famé et on commencera à y envoyer tous ce que l’empire compte de comploteurs et d’ennemis du Tsar. Une population d’intellectuels et de nobles connus sous le noms de décabristes, va y être déportés.
C’est aussi ici que l’armée rouge remportera sa victoire ultime sur les blancs menés par l’amiral Koltchak qui fut exécuté et jeté dans l’Angara.
Le train a aussi beaucoup contribué à la prospérité de cette ville comme de celles que j’ai traversé en Sibérie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on y trouve toujours une statue du Tsar Alexandre III regardant vers l’est. Il en est le commanditaire.
Aujourd’hui, Irkoutsk c’est 600,000 habitants, un centre inscrit au patrimoine supplémentaire de l’Unesco et un tourisme vivace du à la proximité du Baïkal.
Je vous avais parlé d’Artem, ce scientifique qui m’avait fait visiter Akademgorodok avec sa fille, de sa gentillesse, de sa culture et de son intelligence. Artem a contacté Andrey à Irkoutsk. Andrey est le directeur de l’institut de recherche en chimie à Irkoutsk. Il est venu me chercher ce matin à l’hôtel avec un ami bouriate, Alexander. Andrey, ma fait visiter Irkoutsk. Nous sommes dimanche et cet homme aux responsabilités que vous imaginez a laissé sa famille et son garçon de deux ans pour faire visiter cette ville qu’il aime à un français qui traverse son pays en Ural, la machine que son grand-père utilisait pour transporter des choux. Il va rester 4 heures avec moi. Il mènera cette visite comme un guide professionnel et comme je m’en étonnerai, il m’expliquera que dans sa position, il fait régulièrement faire cette visite à des chercheurs venus du monde entier pour visiter son institut. Il le fera avec une finesse, une culture et une passion exceptionnelle.
Après avoir visité monument et églises, il me mènera dans un restaurant agencé comme un appartement de l’époque soviétique où je goûterais toutes sortes de spécialités sibériennes. Il refusera que je paie en me disant »c’est les lois de l’hospitalité russe».
Il ajoutera en supplément, juste pour le pilote d’Ural que je suis, une visite d’un musée de la moto soviétique qu’il n’a lui-même jamais visité. J’y découvrirai le foisonnement de marques qui ont existé à une certaine époque et dont peu ont survécu. J’y verrais aussi des intérieurs sibériens reconstitués.
Nous nous quittons en début d’après-midi. Il me dit qu’il va passer le relais à un collègue à Ulan-Ude. Je suis en main. L’académie des Sciences m’aide a accomplir mon rêve.
J’ai du mal à exprimer ma gratitude. Je voyage seul et pourtant, je n’ai jamais senti autant d’amicale présence autour de moi. Sasha, Alexander, Ilya, Ivan, Marina, Artem, Andrey et tant d’autres sur la route. Tous ceux que je croise me prennent pour un farfelu pour avoir entrepris seul ce voyage. Ils imaginent que la solitude est une peur, un danger, un enfermement intérieur. C’est tout le contraire. On vient à moi avec bienveillance, avec curiosité, avec humanité tout le temps. Qui a peur d’un farfelu qui voyage seul, personne!
L’année dernière, j’ai voyagé en moto de Bangkok à Paris avec un groupe de 8 motos et un camion d’assistance. Nous n’avons eu que des contacts superficiels avec les gens que nous avons croisé. Je crois que même si ce n’était ni notre volonté, ni notre esprit, nous projetions une image conquérante et peut-être arrogante. Seul, cela n’existe pas. Et surtout pas avec Passepartout. Il ne reste qu’un vieux fou qui traverse le monde sur une machine improbable.
J’aime ce voyage. Il se déroule aussi dans mon âme.