Merci à vous tous qui témoignez votre gentillesse et aussi de l'intérêt pour ce récit un peu spécial...C'est quelquefois bien d'avoir ce genre de point de repère lorsqu'on a la "tête dans le guidon" et que l'on ne sait plus trop où on en est.
Car vous l'avez compris, lors de mes voyages, je ne suis plus du tout à la recherche du
beau touristique.
J'avais laissé les guides à la maison...
Les guides nous mènent tous aux même endroits, ils font partie d'études statistiques et commerciales en nous donnant cependant des indications quelquefois intéressantes, mais elles m'ennuient.... Je ne voyage plus pour amasser des sensations de plaisance : lorsque je rentre et qu'on me demande "qu'est-ce que tu as vu", j'aimerais en secret qu'on me demande ce que j'ai vécu...d'où le désir ardent d'être fondu dans la vie quotidienne des gens locaux, vous savez, celle de leur plus
grand dénominateur commun.
Car la beauté intrinsèque d'un pays est pour moi celle de tous les jours, celle qui est fondue dans leur vie quotidienne. Elle n'est pas léchée, elle est souvent abrupte...
Auparavant, dans mes voyages j'étais dans une fureur du découvrir : j'avais soif de nouveau. Depuis je commence à comprendre que la beauté est une manière de résister au monde, de tenir devant lui et d'opposer à sa fureur une patience active.
Les
Gogo partaient vers les mondes que vous découvrez dans leur belle discussion...et nous étions heureux d'avoir cheminé ensemble en vrai.
Nous avions vécu une tranche de beauté, de celle qui nous recadre et qui efface le fait qu'on a quelquefois tendance à penser que la vie n'est pas belle, mais c'est parce qu'on a tendance à confondre belle et simple.
Cette simplicité avait été partagées quelques heures à quatre : Gogo, Caro mon cœur et moi.
L'amour (ou l'amitié) est insaisissable. C'est un vide intérieur qui se comble. La beauté retrouvée grâce au regard d'un autre. C'est vivre au présent pour l'avenir en brûlant le passé. C'est la seule façon de se sentir vivant.
Cette petite Eriba devenant un point dans l'espace n'était donc pas un fil qui allait se couper...
...tandis que je repartais en compagnie de mon cœur, les routes en travaux réveillaient les fatigues en calmant les ardeurs de la soif à la route :
J'avais décidé de rechercher ce plus grand dénominateur commun de ce peuple suédois qui m'avait déjà séduit.
Qui étaient-ils, comment vivaient-ils en vrai, sans leur musées, sans leur religion, sans leurs monuments...?
Je décidai donc de rejoindre le sud de la Suède via le plein cœur du pays, par de petites routes "insignifiantes", par des épiceries banales, des bars comme partout là-bas, là où vivaient "les gens".
Premier carrefour un peu campagnard et hop, à gauche je plante la Laponette ! Trop creuvé je me contentais de manger et de me coller dans les plumes de la couette.
Une bonne ronflette et le lendemain, piscine !
Il avait un peu plu certes mais pas tant que ça !
Bon, je me dégourdis les jambes, pète un petit coup et, voyant ce monticule devant moi, je le monte :
Se trouvait là un immense lac deux mètres au dessus du niveau de mon sol détrempé : fichtre, la petite butte était une digue ! Y'avait eu des fuites...
Bon, vous pensez bien que j'avais pris la ferme résolution de ne pas recoucher là ce soir...
Le temps d'y penser, de petit déjeuner, je voyais des hommes, des femmes, des gosses aller et venir vers des sortes de bâtiments en bois situés à quelques dizaines de mètres. Ils y entraient, sortaient le sourire aux lèvres, les bras tantôt plein de vaisselle, tantôt avec trousses de toilette serviettes au bras.
C'est que je me trouvais au fond d'un camping et j'avais trouvé cette entrée naturelle par son arrière !
Voilà la vie qui me dit que le courant normal est fini.
Tout de même curieux, je me rendais comme tous dans ces demeures miniatures en bois et là, je découvris le commun des camping suédois : là où leur vie de week-end se respire. Pas un étranger - sauf moi - tous en famille, tranquilles...les gosses jouent, les femmes sourient et les hommes discutent...
Et comme toujours ce "welcome" sincère même dans les matériels banaux.
Une fois les bagages pliés sur le side et la Laponette en ordre - ce fut un réel plaisir que celui de recevoir ces familles me posant des questions. Ils étaient amusés, riaient comme entre eux : j'étais content parce qu'ils ne marquaient pas de distance entre eux et moi.
C'était la bonne direction de voyage, ce "banal" qui devient étonnant.
En reprenant la route je m'arrêtais au vinmonopolet chercher un cubi de pinard que je plaçais, délivré de son carcan de carton, au dessus de la caisse à outils...
La beauté vient de l'amour. L'amour vient de l'attention. L'attention simple au simple, l'attention humble aux humbles, l'attention vive à toutes vies.
Je n'avais jamais ressenti un tel degré d'intensité de liberté : je me délivrais du "vouloir prendre".
La route était plus merveilleuse que merveilleuse, je chantais à tue tête !
... on était bien, mon coeur et moi, dans le pays des ours...et "mon cœur", c'est le personnage global qui a élu domicile en moi dans une vaste maison bâtie de pièces hétéroclites dans lesquelles séjournent quelquefois mes amis, mes aimés, ma famille, quelques fleurs et cailloux...Personne n'y fait le ménage, personne ne la commande : elle fonctionne en autogestion totale. C'est une maison bleue...
...