Cette route du Grand Nord parcourue en side Ural, doucement et sans calendrier précis, est (aussi) une grande lessiveuse. Outre la beauté des paysages, leur austérité accompagnée des rythmes de roulage humains, des rennes et de l'emplacement géophysique, cette route nous plonge automatiquement dans un état d'âme qui pousse à des apparitions en surface de questions et problèmes enfouis profonds en soi. On rumine en roulant...ornette a écrit : 03 févr. 2022, 21:32 Si demain tu as encore des frissons, un seul remède, la tisane des trois chapeaux![]()
C'est ce que certains viennent chercher inconsciemment car souvent, les choses de la vie n'arrivent pas à se résoudre dans le tumulte des rythmes de cette Europe qui court après un capitalisme de dingue : on n'a pas le temps de laisser les structures mentales vivre à leurs rythmes et bien des choses sont enfouies, ne rendant pas service car restant à résoudre. La psycho a ses pouvoirs, ses capacités d'auto-guérison et tout homme en est pourvu. Il suffit de donner les possibilités et le temps qu'elles se gèrent.
La route du Grand Nord est ce climat intérieur qui fait apparaître comme des choses qui font surface et qui arrivent à la lumière de nos consciences, alors elles apparaissant plus claires et simples à solutionner, mais il faut les voir avant, et c'est sur cette route.
Pendant que cela se fait, ce n'est pas forcément très agréable, on vit dans une sorte de nostalgie, de tristesse et on atteint vite des ambiances de vagues de"cafard". Lorsqu'on ne le sait pas cela surprend.
Auparavant dans le passé de l'homme, on appelait cet état l'acédie.
Il n'y a que les excités en BM Adventure et consorts suréquipées qui passent comme des flèches, qui ne rencontrent jamais cela. Lundi ils sont à Helsinky, mardi soir à Inari et mercredi soir au Cap Nord. Jeudi ils sont à nouveau à Inari et vendredi ils reprennent le bateau : ils n'ont rien vu, rien senti, mais il rapportent la photo de la sphère : ils n'ont pas intégré ni profité du Grand Nord, ils n'ont rien vu, ils rapportent juste un cliché qui les considèrera auprès des copains.
Ils ne peuvent pas se perdre mais ils restent bloqués dans leurs labyrinthes.
Souvent, lorsqu'on rencontre cet état intérieur sur ces routes, il est inconfortable et on le fuit, on ne veut pas écouter ce qu'il nous dit et on a tort, car c'est un psy gratos, et un grand psy. Alors on se tire et on blinde, on fuit, on se casse en trouvant des prétextes.
C'est con et stérile.
C'est ce face-à-face qu'un S.Tesson a du mal à gérer, car il en a peur. Il essaie et grand bien lui fasse ! Il a peur de la solitude réelle, il faut toujours qu'il ait un lien avec quelqu'un qui le regarde.
Faire face à ce lessivage est de la mécanique intérieure, et cela l'Ural nous y oblige un peu, qui le permet surtout. Pas de zone de confort, pas de sponsoring, pas de spectateur, une caisse à outils vide, juste quelques photos pour se rappeler. On appelle cela l'ivresse de la solitude et, même si on est accompagné par une personne pas chiante, on l'affronte seul.
Les désirs de partir sont cet appel de la psycho qui tape à la porte de la cave et qui dit en sourdine : "il est temps que tu me laisses un moment pour ranger ton bordel intérieur".
C'est alors qu'il faut préparer son attelage pour ces grands sauts.
Au fur et à mesure des années, on prend rendez-vous avec ce chemin intérieur que l'on retrouve sur la route mythique de Thulé, car non seulement il nous donne la paix, mais il résout bien des structures secrètes en les réorganisant...Or c'est comme tout, ça prend un peu de temps...mais surtout, surtout, cela ne fait du mal à personne...