Aller, c'est décidé...après ce pantagruélique repas, je prends une barquette dotée d'un petit moeur thermique de 5CV...15 balles de l'heure, pas cher...
Bon, vu le poids du bonhomme, monter dans la barquette est assez scabreux mais, une fois en place et sans trop bouger on peut y aller.
C'est parti mon kiki, go, je vous amène !
Heueueueu...on voit bien quand même que la barquette lève du nez cause gros cul hein...Trois p'tits tours pour voir comment se comporte l'engin et c'est parti.
On est ivre : ivre de ces luminosités variables à chaque angle, ivre de l'odeur de l'eau poissonneuse, ivre d'être entouré de montagnes puissantes...
Je file à mi-régime, doucement, vers le large et ce qui est remarquable, c'est la différence terrible qui marque la vision de la mer au sol et la vision des maisons de la mer...Rien à voir, on est perdu.
Bernos m'avait dit par sms que Michel 50 s'était cassé avec son voilier. Je pensais à lui, à son bonheur intime et profond alors partagé de fendre la mer avec le vent et la voile quand, naviguant vers le large, je vis ce formidable bateau de pêche, qui est "petit" par rapport à certains :
J'étais trés impressionné : ce "tas de ferraille" dégage une puissance en manifestant le génie de l'homme...Oh la la !
Je le longe et, lorsque je m'approche de trop près - je voulais voir la peinture impeccable - un petite sirène sur le bateau sifflait comme pour me dire de m'éloigner.
Oh nom de Zeus, c'est beau, solide et comme les chutes d'eau, ça attire comme un aimant...
Yeeee le raffiot ! Avec cette odeur de poisson frais, ce silence juste fendu par le ronronnement du petit 2 temps du moteur, doudou, feutré, quel bonheur !
Il te prend des ailes, des psychos genre Capitaine Nemo, tu t'y crois, comme un môme tu es le pourfendeur des mers et go, vers le large moteur à fond, un sursaut d'adrénaline..."pourquoi pas moi aussi"...
Tu te baisses pour prendre le profil mob 50cc Flandria à fond, casquette baissée, nez au vent pour ne pas être freiné par le vent, au taquet le 2 Temps à 8000...whouaaaaaaaaa
Maiaiaiaiais avant le sortir du fjord, la houle de la mer pourtant calme te rappelle que tu n'es qu'un petit branleur : la coquille commence à osciller sérieux sur le mètre de houle douce, tu te fais doubler raz le niveau de l'eau par un espèce de poiscaille long de 2 mètres qui te donne l'impression de faire du surplace.
Tu ralentis pour stopper. Ca tangue, y'a des poissons de partout et tu regardes le fond de l'eau sans le voir, en étant attiré par un autre vortex.
Sachant ce que j'avais déjà vécu avec d'autres vortex, je déclinais l'expérience et, de plus, la même chose m'était arrivé au milieu du lac de Titisee en regardant m'eau : une tête piquée dans l'eau car irrémédiablement attiré par le fond.
Fort de ce rappel d'expérience, je rejoignais fisa, pas fier, les eaux "normales" en pensant à Michel-le-courageux qui continuait, lui...
Je me sentais alors confiant aux même endroits où une heure avant j'avais peur, comme si j'avais bravé quelque chose: un dépassement de plus...comme avec le side...
Mais aaaaahhhhh en rentrant, encore un coup fou : subitement la mer devint huile, la luminosité change d'une seul coup MAIS j'étais prévenu avec les "dzzzinining", je me préparais et ça n'a pas loupé : dzzzzininining ! P'tin, un éclair magnétique sur la flotte !
Tout change, les perceptions, les odeurs - comme de l'ozone - , l'eau figée comme de la glace...quelle expérience !
Bon, là je rentre, ça va, c'est plein, je ne sais pas quelle heure il est.
J'arrive au ponton, descends de la barquette et les guiboles tremblent, comme quand on a 16 ans et qu'on essaie un Gus Kuhn piqué 5 mn à un grand frère.
Je m'assieds au banc, déguste une aquavit tirée du coffre du side, en silence...
Je regarde le paysage complètement vissé, en retenant presque le souffle.
Mais...qu'est-ce que c'est que ce pays dans lequel c'est la nature qui dirige et pas comme ailleurs, l'homme qui manie la nature ?
Pourquoi c'est comme ça ici ?
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour trouver cette magie ?
...