Quelques kilomètres me séparaient de Lahti, petite ville finlandaise à 100 kms du point d'embarquement. Un magnifique complexe naturaliste pose là ses boutiques étonnantes...emplies de produits locaux et bios. Heila...
Emplettes et achats de cadeaux et là cela vaut le coup de casser sa tirelire.
Le petit camping de Lahti est très bien équipé, il se situe sur une sorte de presqu'île. Sur la terre qui ressemblait plus à de la tourbe, beaucoup de champignons et de canards. J'étais content. Le port n'était pas loin...
...et les petits kilomètres qui me séparaient d'Helsinki furent consommés dans une étrange nostalgie.
Comme le bateau partait à 17 h et qu'il sera rendu à Travemunde le lendemain à 21 h heure locale, j'en profitais pour faire le plein d'essence car en descendant du bateau en Allemagne et à cette heure c'est trop compliqué.
Arrêt essence donc et petit repas léger dans le dernier "ABC" finlandais qui jouxte la station. Attelage garé.
Un finlandais me fait un signe de la tête avec un sourire en m'invitant à regarder dans la direction qu'il indique...
Tudju une bardée de flics lourdement armés reste plantée là devant le side+ Laponette.
Et ça discutait, prenait des photos et des notes.
Les voilà qui se dirigent dans le mini resto, dans ma tête j'étais bon. Vieux réflexe franchouillard qui a été dressé par la répression française perpétuellement pendue comme une épée de Damoclès au dessus de chacune de nos têtes...stupide.
Ils s'installent à la table juste à côté de la mienne et commencent à chercher des plats pour manger ! Fausse alerte
mais là, petit examen discret du matos qu'ils portent sur eux : un flingue en 9 para glock, chargeurs, tiser, menottes, matraque, caméras et micro, gants, zip et j'en passe. Ce sont des flics normaux en patrouille et on sentait une belle osmose entre eux.
Aucun commentaire sur l'attelage de leur part et moi aucun commentaire sur leur matos par rapport à nos flics.
L'embarquement fut rapide et facile, j'étais avec les trucks, pénard. Installation tranquille et comme de coutume, un verre au bar largement fournit : c'est curieux, ils présentent plus de marques de whisky que l'homologue ferry pour aller en Ecosse ! Peu de monde sur la bateau, temps un peu agité mais sans plus.
Cette fois j'avais pris les repas + petit déj avant, cela évite vraiment les files d'attente.
On ne sent pas le navire se mettre en route, ni en bruit ni en vibrations ni en mouvement : impressionnant.
Dîner et pleine mer et là, une fois encore, la musique d'"avant" s'y met.
Bob Dylan et tous les succès de ces années admirablement chantés par un couple heureux. Une magnifique soirée qui me donna la sensation d'être le seul public.
Je commençais à m'interroger : pourquoi ces immersions répétées dans ce passé musical ? J'aurai certainement la réponse un jour...
Le lendemain c'était l'errance sur les ponts. Je contemplais tous ces êtres qui avaient chacun leurs vies et essayais de devenir invisible pour ne pas déranger leurs mouvements, pour les voir sans moi.
Effacement...retrait...silence.
Dans un coin j'observai longuement ce père et son fils lourdement handicapé ( photo publiée avec l'accord du père).
Ils avaient une relation étonnante. Le "pauvre" gosse ne s'exprimait que par des cris mais son père jouait avec lui presque tout le temps.
Que vivait-il...comment percevait-il le monde...questions de con.
Je me remémore alors les propos d'Alexandre Jollien et son "éloge de la faiblesse" , sauf que je suis confronté en cet instant à la pratique directe.
On peut passer son chemin mais là, j'aurais eu l'impression d'une lâcheté.
Si cet enfant est perçu comme "isolé" dans son handicap, en cet instant je ressens que c'est moi qui m'isole si je fuis.
Il me regarde et son regard me parle sans dire un mot. C'est peut-être le fait d'être retiré seul dans un coin qui l'interpelle...
Ses cinq sens sont probablement et selon nos critères modifiés (par rapport à nous) mais je sens qu'il possède un sixième sens, bien au delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction.
Ce sixième sens éclate de son visage, de sa présence :
simplement l'envie de vivre. Basique, plus brute que jamais.
Sensation oubliée...enfouie dans l'ombre de notre connerie ambiante perpétuelle, bruit du ronron bien huilé de nos pensées...
Pour lui chaque seconde est une nouvelle vie qui commence.
Et pour moi ?
...à suivre...