Les "gens de là" font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont. Certes le lieu n'était pas formidable selon nos critères mais les gens étaient tellement sympathiques, le groupe était fatigué, que nous nous accommodions assez rapidement en décidant de resserrer les liens. Ces liens se resserrèrent d'abord par affinités, puis globalement une fois que nous étions installés.
Nous faisions halte dans une toute petite ville. Des cavaliers trottaient sur les trottoirs en même temps que les voitures allaient leurs vies sur les chassées défoncées.
Curieuses, les bagnoles ici... il semble que les habitants sont pauvres mais la plupart roulent dans des bagnoles que je ne pourrai jamais me payer (hybrides, Audi etc...). Je ne sais pas comment ils font.
Ici les partis politiques ont pignon sur rue :
Celui-ci a une réputation dite "nationaliste". Il est présent dans toute la Mongolie. Il est vrai que, coincés entre la Russie, l'Inde et la Chine, les mongols se serrent les coudes et se montrent bien debout chez eux. Mais ce n'est pas une question de présence d'étrangers - il n'y en a quasi pas - je pense que c'est plus profond. Le peu de temps de présence fait que je crois que nous ne comprenions pas tout.
En tous cas ils se respectent officiellement dans leurs différences et, de ce point de vue, sont très supérieurs à ce qui se passe chez nous.
Il faisait plus froid aussi...les chambres non chauffées, pas d'eau dans les chasses d'eau cause gel possible...tout le monde est à la même enseigne mais tous acceptaient cette situation qu'en fait toute la population vivait, hors quelques nantis qui ne se trouvaient pas dans notre secteur.
Le petit mongol nous avait pris en affection. Nous étions pour lui des visiteurs qui lui apportaient un bonheur certain et qui le sortait de sa tablette électronique de jeux. Les jouets que nous apportions et que nous gardions sous la main au cas où... y étaient pour quelques chose mais, plus que les jouets, c'est le fait de s'amuser avec lui qui le rendait quasiment fou de joie. Il sautait, riait, s'amusait d'un rien mais surtout portait en lui cette présence des pères mongols encore non atteinte par l'invasion des cadeaux chinois.
C'est là que l'on mesure vraiment les dégâts terribles réalisés par les jeux et les "accessoires de vie" de nos enfants qui sont bien plus éteints car bien trop gâtés.
Il n'était pas encore atteint dans son âme.
Pendant ces moments de détente et de communion arriva un phénomène qui fut décisif pour moi et qui me plaçait en face du fait que j'étais au bout du rouleau : une tempête de sable...
Un sable de grains microscopiques et un vent puissant, venant de très loin, balaya cette région.
Fenêtres fermées, cette micro poussière finit par entrer un peu partout et, après plus de huit jours d'autres poussières à Oulan Bator, j'avais simplement atteint la cote fatidique d'être contraint de prendre de la cortisone, ce qui pour un diabétique est strictement interdit car cette dernière fait exploser la glycémie qui ne descendait pas au dessous de 250 depuis plusieurs jours...
J'étais claqué.
L'urgence zéro était de me placer dans des conditions minimales acceptables surtout de point de vue de la glycémie que je gère parfaitement seul, mais qui en groupe et en situation de terrain inconnu, est simplement impossible à contrôler. Je devais me rendre à l'évidence. Les deux autres potes diabétiques avaient mieux géré cet état car l'un avait une pompe calée sur la lecture de la glycémie en direct, et l'autre était passé avant de partir sur un traitement nouveau que je ne connaissais pas avec une seule injection par semaine.
Même plus de dilemme : diabétique tu pisses toutes les heures, asthmatique tu tousses toutes la nuit. On imagine ce que cela pouvait donner en yourte commune par moins 10 dans la neige. Détestant faire chier le monde avec mes problèmes, la décision fut évidente. Les mecs étaient crevés, je n'allais pas les emmerder en plus toutes les nuits car, par exemple pour pisser, he bien tu ouvres la porte de la yourte toutes les heures et tu te rends dans les chiottes qui sont à 300 m dans un blizzard pas possible. Non seulement tu refroidis la pièce pour les autres mais en plus tu choppes la mort que je sentais me regarder d'un oeil de convoitise.
Je décidais donc de rentrer à Oulan Bator afin de réguler au mieux cette glycémie, puisque là je pouvais choisir en temps, en heure et en aliments précis exactement ce qu'il fallait. C'était l'urgence zéro.
La chaleur humaine des participants m'aida beaucoup et je vous remercie tous pour vos marques d'affection.
Les chemins se séparaient : ils partaient au lac en petit camion et je prenais la route de Oulan avec un autre camion qui devait ramener des pièces et les motos "inanimées"...
Au petit matin nous nous séparâmes donc, allant chacun vers nos destins inconnus.
Au début j'étais triste et je reteins mes larmes. L'ami mongol qui me ramenait le sentait et d'une manière extrêmement chaleureuse il chanta des chansons mongoles durant tout le retour. Il me disait que c'étaient les chanson que son père lui fredonnait dans son enfance et lorsqu'il n'allait pas bien.
Alors, comme par magie, dans cet univers de glace, de solitude et de douleurs, un rayon de soleil apparut grâce à ces chants : celui que j'allais être seul en immersion complète en Mongolie pendant quelques jours, retrouvant de la sorte mes "habitudes de voyages".
Un grand bonheur m'envahit car je savais que mes compagnons cheminaient vers le destin qu'ils venaient chercher, et que ma route reprenait le sens de ma vie de voyageur.
Le but était atteint, vous le verrez sur les photos de leur retour.
Or mis le fait que le pignon d'attaque du pont du camion s'est desserré, ce qui nous a fait beaucoup rire sous le camion avec le conducteur, voilà que j'étais seul en Mongolie et que le destin m'offrit cette formidable opportunité.
Je ne savais pas encore que j'allais vivre des moments d'une force extrême...
Pour la compréhension du voyage et comme l'a gentiment proposé Zorgol, ce serait bien que vous preniez le relais sur ce que je n'ai pas vécu. En pratique, je vous propose de prendre la parole avec vos textes et vos photos. De mon côté j'ouvrirai mes posts à la suite des vôtres par "...pendant ce temps...", et on pourra faire un "copier-coller" sur le site Ural France ?
MERCI