LLN- Cap Nord J4 Départ : 04/01/2022
Larvik (Nor) – Andebu (Nor)
Je me suis couché tôt hier, vers 21h30’. Faut dire que j’ai oublié quelque chose d’essentiel chez moi, un accessoire dont je ne me sépare même pas lorsque je dois me rendre dans une administration, un hôpital, enfin tous ces endroits où l’on risque d’attendre et je n’aime pas attendre.
Il est – ils sont – de tous mes voyages… et là, je l’ai oubliée !
Je parle de mes livres, de ma liseuse, bien pratique en voyage !
Cela m’a gonflé lorsque je m’en suis aperçu le premier soir, mais bon, je n’allais pas faire demi-tour non plus. Donc, le soir, outre mon CR quotidien, je lis quelques articles sur mon pc, je visionne un truc ou l’autre sur Youtube – l’étape du jour au Dakar, par exemple – mais, pour le reste, après quelques assouplissements, un peu d’exercice, je n’ai rien à faire ; alors, je me mets au lit.
Vers 23h, tout un ramdam dans la maison me réveille ; au moins trois personnes causent, circulent, ça fait du potin pendant un quart d’heure, puis, tout redevient calme… . J’en saurai plus demain.
6h30’, debout, ablutions du matin, et coup d’œil dehors… alors, la surprise ! Il est tombé un paquet de neige cette nuit.
Faudra que je visse les spikes dans mes pneus parce que la conduite sera incontrôlable sans eux ; je me souviens de mon premier périple ici, et juste avec mes pneus à crampons ce fut une glissade ininterrompue, plus ou moins bien contrôlée, mais dangereuse. J’avais trouvé des clous à visser à la hauteur de Tynset et retrouvé par là-même, un peu de sérénité au guidon.
A raisons de 200 clous par pneu… cela prend un temps certain. Cette fois, cependant, j’avais prévu le coup et un de mes fils m’a fort à propos offert pour la Noël, une visseuse rechargeable sur USB, car la première fois, je les ai plantés au tournevis livré avec les clous et ce fut fastidieux, assis dans la neige.
Il fait nuit encore, je décide d’attendre un peu ; j’ai le temps, car ma prochaine étape n’est qu’à 50 km.
Et puis, apparait, venant d’une porte menant à l’étage, un grand bonhomme qui se présente comme le propriétaire – loueur qui présente ses excuses pour le raffut de la veille et m’explique qu’il a dépanné un Néerlandais qui a manqué son ferry du soir et devait trouver à loger d’urgence.
On cause un peu, je lui raconte ce que je compte faire et il me propose gentiment de sortir sa voiture du garage pour me laisser la place d’y travailler au sec, car il neige toujours.
C’est parti, je m’équipe – faudrait pas prendre froid ou se retrouver mouillé – et je rejoins mon side sur le parking à l’arrière de la maison. Les plus attentifs se souviendront que j’ai signalé hier que je me suis garé sur 10 cm de glace... avec la neige par-dessus, vlan ! je me prends une gamelle, sans mal, me relève, fais un pas et re-vlan ! les quatre fers en l’air ! Bon, bon, bon, on va y aller piano.
Le side démarre au quart de tour – il fait -2° - mais, reste calé en 1ère… pas grave, je verrai ça plus tard ; dans le garage d’abord, les clous ensuite et puis, le cas de cette 1ère.
Heureusement pour moi que le bonhomme est bricoleur et outillé, car ma géniale idée de la visseuse rechargeable sur USB n’a pas pu enfoncer le moindre clou, elle a juste pu émettre un bourdonnement famélique et…bref.
J’ai donc pu utiliser celle du proprio. La manœuvre m’a pris une heure et demi.
Passons au cas de ma 1ère ; j’ai essayé doucement, un peu plus virilement, elle ne veut rien entendre. Je mets la moto sur cric, fais tourner la roue, etc… . Nada, pas moyen de sortir de ce rapport !
Appel au « chaman des Combrailles » (1) qui a d’autres chats à fouetter, mais comme à son habitude, il me répond et me propose encore quelques manœuvres ; au final, je vous passe les détails, mais j’ai pu revenir au point mort et passer les vitesses normalement.
Il est 11h10’, je dois quitter pour 11H ; on ne me tient pas grief et rapidement, je prends la route, enfin…la piste plutôt. De neige, la piste. Faut suivre !
J’aurai l’occasion de tester l’efficacité des spikes dès le premier carrefour car la direction que je dois suivre débute par une sacrée montée ; ça valse du cul, ça dérape, tangue, mais ça monte, ça monte !
Dès que j’aperçois une pompe, je m’arrête pour manger un bout, car une fois de plus, je n’ai pas petit-déjeuner.
C’est particulier de rouler sur cette épaisse couche de neige, il fait tellement sec ici, qu’elle s’envole comme du sable fin, rendant la visibilité nulle au passage des voitures et, plus encore, des camions : un nuage blanc sur fond blanc !
Je retrouve assez vite les réflexes de la conduite en pareilles circonstances et prends du plaisir au décor de ces petits routes tracées par des piquets rouge tels ceux que l’on trouve dans les Alpes, par exemple. Je passe par des plaines, des « cols » de rochers larmés de stalactites énormes translucides ou ocres.
Dès que l’on quitte la ville, on est plongé en pleine campagne, plus d’habitations, très peu de trafic, la neige absorbant les sons, on se retrouve vite isolé, seul.
La route longe une rivière tantôt gelée, tantôt laissant voir une résurgence ceinte de glace. Il ne fait pourtant pas si froid.
J’arrive à Andebu vers 13h ; là, je consulte le dernier message échangé avec l’organisateur et rentre les coordonnées GPS qu’il m’a fournies. Sauf que, ce serait trop simple de les uniformiser, il existe une dizaine de format de coordonnées ! J’ai beau essayer tous les formats que propose mon GPS, pas un ne peut contenir les lettres – N ou E – et les chiffres communiqués ! Las.
Je tente de l’appeler au tél, mais c’est celui de son boulot et il n’y est pas.
Il est 15h30’ au terme de mes essais divers et de mes réflexions et le soir tombant à 16h, je décide de trouver à loger le plus près possible. Demain matin, les participants à l’hivernale vont arriver et il y a des chances que j’en vois passer l’un ou l’autre devant la pompe à essence d’Andebu. Je tenterai cela, et si pour midi, je n’ai pas trouvé un poisson-pilote, alors je poursuivrai ma route plein Nord vers mon prochain RV, celui avec ma fille à Tromso ; 1.700 km m’en séparent. Elle y sera avec deux amies du 9 au 16, ce qui me laisse un peu de marge.
Dans ces conditions de roulage, je ne dépasse pas les 45km/h sur les petites routes et 65km/h sur les nationales. Donc, 1.700 km signifie un paquet d’heures en selle. Au moins quatre jours de roulage.
Je loge dans un charmant chalet, tout en bois, rustique à souhait, comptant quatre lits, une sdb, un salon bien cosy. Cela me permet de « gagner » un jour avec liaison Wifi et de communiquer autrement que par SMS.
Faut voir le positif quand on est confronté aux aléas.
J’ai beaucoup hésité à vous partager ce qui m’étreint depuis 7h, ce matin.
Mais, je conte mes journées, ce que je vis, alors cette funeste nouvelle en fait partie. Ce n’est pas du Dickens ou du Zola, mais cela y ressemble furieusement.
J’ai reçu en pleine face, la nouvelle du décès d’une amie vivant à Kinshasa, famille de la mère de mes derniers enfants.
Depuis qu’elle est née, elle n’a connu que les emmerdes, les abandons de son père, puis de sa mère, puis de sa demi-sœur, puis du reste de la famille. Quand je suis arrivé à Kin en 2004, elle était quasi à la rue, et je suppose que vous savez ce que cela signifie pour une jeune femme de se trouver à la rue là-bas. Je lui ai trouvé du travail, ai veillé à ce qu’elle ait un toit et de quoi vivre décemment.
Elle ne m’a jamais rien demandé, a toujours été reconnaissante des gestes que j’ai pu poser pour elle ; elle n’a abusé de rien.
Elle est morte hier soir dans de grandes souffrances, sans que personne n’intervienne jusqu’il y a trois jours, le médecin ayant déclaré que cela ne valait pas la peine de dépenser de l’argent car elle était condamnée ! C’est un oncle éloigné qui l’a finalement emmenée dans un hôpital où elle fut mise sous oxygène et morphine.
Elle avait 42 ans. Elle s’appelait Emilie – Mimi – Mavuela.
Je suis très triste, je trouve cela tellement injuste, insupportable. Ce soir, je laisse mes larmes laver cette image désastreuse de Mimi décédée ainsi.
Voilà, voilà, j’en resterai là sur le sujet.
(1) Surnom donné à Daniel Winter, d’Est-Motorcycles à Manzat, LE spécialiste des sidecars Ural, et ami, par ailleurs.
PS : sorry, pour les photos ; je pensais en faire de belles en arrivant sur le site de l’hivernale.