URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

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uraleur
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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par uraleur » 24 déc. 2023, 04:38

La journée passe, les trous aussi hélas, et de piste lasse je conviens avec moi-même qu'il est l'heure du repos du guerrier. Mais ce soir pas de colline, pas de belvédère. La steppe à perte de vue. Pour quitter la piste, je franchis un talus et je parcours des champs inhospitaliers, la traînée d'arbre qui m'a attiré, borde le lit d'un ruisseau asséché, lieu d'aisance de moutons. Certes les ovins sont absents mais l'endroit n'est pas à mon goût. Je reprends ma traversée hors piste pour finalement me poser près d'un buisson d'épineux, histoire de me dissimuler un peu dans le paysage. Tente montée, je déguste des sardines « kazakh » quand un cavalier de 8 ou 9 ans s'approche, perché sur un cheval bien trop grand pour lui. Il s'arrête à une quinzaine de mètres de moi et sans sourciller me demande de partir (c'est surtout le geste de la main que je comprend). J'ai du mal à croire à cette situation, ce bout d'homme me fout dehors ! Je me lève, lui dit bonjour et lui propose une sardine en lui tendant la boite. J'affiche un franc sourire pour éviter l'affrontement, des fois que le père ou le grand frère ne débarque également. Il réitère ce qui est quand même un ordre, et je ne sais si je dois rire ou m'enfuir. Il ne baisse pas les yeux cet effronté ! Bon j'ai compris que j'étais chez lui mais quand même quoi, l'hospitalité entre néo-nomade ouralisé et nouveau sédentaire équestre on en fait quoi ?
Je lui refait un signe de la main et je vais me rasseoir pour terminer mes sardines. Il reste là encore 1 minute et fini par faire faire demi-tour à sa monture et repart d'où il est venu. Bon j'ai compris qu'ici ce n'est pas la clôture qui fait la propriété. C'est vrai que j'ai un peu pris mes aises ce soir. J'ai fait une lessive, et mon linge décore de fanions multicolores et bien voyants, le buisson sensé me protéger des regards.
Pas d'autres visiteurs, je prends congés et m'enferme à double zip dans ma tente. Le lendemain matin, pendant mon sacro-saint petit-déjeuner, j'ai droit à un attroupement de moutons, la laine fraîche, mais le poil puant . J'abrège la cérémonie du petit-déjeuner, une fois n'est pas coutume, pour ramasser mon linge sec et plier bagage au plus vite. Les bêleurs arrivent en masse et je crains l'encerclement, voir la prise d'otage.
Je repars à travers champs, longe le talus qui borde la piste, jusqu'à trouver un passage praticable pour l'Ural. Je reprends là où je m'étais arrêté hier, entre deux trous et une bosse.

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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par Est-Motorcycles » 25 déc. 2023, 18:05

uraleur a écrit :
24 déc. 2023, 04:38
La journée passe, les trous aussi hélas, et de piste lasse je conviens avec moi-même qu'il est l'heure du repos du guerrier. Mais ce soir pas de colline, pas de belvédère. La steppe à perte de vue. Pour quitter la piste, je franchis un talus et je parcours des champs inhospitaliers, la traînée d'arbre qui m'a attiré, borde le lit d'un ruisseau asséché, lieu d'aisance de moutons. Certes les ovins sont absents mais l'endroit n'est pas à mon goût. Je reprends ma traversée hors piste pour finalement me poser près d'un buisson d'épineux, histoire de me dissimuler un peu dans le paysage. Tente montée, je déguste des sardines « kazakh » quand un cavalier de 8 ou 9 ans s'approche, perché sur un cheval bien trop grand pour lui. Il s'arrête à une quinzaine de mètres de moi et sans sourciller me demande de partir (c'est surtout le geste de la main que je comprend). J'ai du mal à croire à cette situation, ce bout d'homme me fout dehors ! Je me lève, lui dit bonjour et lui propose une sardine en lui tendant la boite. J'affiche un franc sourire pour éviter l'affrontement, des fois que le père ou le grand frère ne débarque également. Il réitère ce qui est quand même un ordre, et je ne sais si je dois rire ou m'enfuir. Il ne baisse pas les yeux cet effronté ! Bon j'ai compris que j'étais chez lui mais quand même quoi, l'hospitalité entre néo-nomade ouralisé et nouveau sédentaire équestre on en fait quoi ?
Je lui refait un signe de la main et je vais me rasseoir pour terminer mes sardines. Il reste là encore 1 minute et fini par faire faire demi-tour à sa monture et repart d'où il est venu. Bon j'ai compris qu'ici ce n'est pas la clôture qui fait la propriété. C'est vrai que j'ai un peu pris mes aises ce soir. J'ai fait une lessive, et mon linge décore de fanions multicolores et bien voyants, le buisson sensé me protéger des regards.
Pas d'autres visiteurs, je prends congés et m'enferme à double zip dans ma tente. Le lendemain matin, pendant mon sacro-saint petit-déjeuner, j'ai droit à un attroupement de moutons, la laine fraîche, mais le poil puant . J'abrège la cérémonie du petit-déjeuner, une fois n'est pas coutume, pour ramasser mon linge sec et plier bagage au plus vite. Les bêleurs arrivent en masse et je crains l'encerclement, voir la prise d'otage.
Je repars à travers champs, longe le talus qui borde la piste, jusqu'à trouver un passage praticable pour l'Ural. Je reprends là où je m'étais arrêté hier, entre deux trous et une bosse.

Super colis reçu, merci Denis !

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C'est très gentil, d'autant que lorsque nous étions en Mongolie, nous étions à 200 kils du Baïkal !
Un vrai cadeau qui sera porté avec honneur et paix...
Merci aussi d'écrire comme tu le fais, je ne te savais pas aussi pointu dans la prose ! Un régal.

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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par ornette » 25 déc. 2023, 18:50

Merci pour ce partage, ces contrées lointaines ne doivent demander qu'à être découvertes avec leur peuple, leur coutumes...
Pour le moment mon projet vers le lac Baïkal est reporté mais pas oublié. La situation va bien finir par se décanter et j'espère vraiment que les frontières avec la Russie vont bien finir par se rouvrirent, en espérant que la rancune ne prenne pas une autre place, et puis je serai mieux préparé comme ça.

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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par uraleur » 26 déc. 2023, 16:14

Les frontières avec la Russie sont ouvertes, mis à part l'Ukraine et la Finlande je crois.
Mon récent problème pour rentrer en Russie n'était pas dû aux russes mais au service des passeports en mairie française qui n'a pas suivi la procédure convenue et je me suis présenté à la frontière russe avec un passeport neuf sans visa et la page arrachée de mon ancien passeport sur laquelle était collé mon permis de séjour. Ça les a fait gentiment rigoler et ils m'ont prié de repartir d'où je venais. Dû Kirghizistan j'ai fait une demande de visas touristique et j'ai pu revenir en Russie sans problème. Le temps de mettre à jour mon nouveau passeport. En tous cas si tu viens par ici (Irkoutsk)j'aurais plaisir à te rencontrer.

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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par Est-Motorcycles » 26 déc. 2023, 18:07

uraleur a écrit :
26 déc. 2023, 16:14
Les frontières avec la Russie sont ouvertes, mis à part l'Ukraine et la Finlande je crois.
Mon récent problème pour rentrer en Russie n'était pas dû aux russes mais au service des passeports en mairie française qui n'a pas suivi la procédure convenue et je me suis présenté à la frontière russe avec un passeport neuf sans visa et la page arrachée de mon ancien passeport sur laquelle était collé mon permis de séjour. Ça les a fait gentiment rigoler et ils m'ont prié de repartir d'où je venais. Dû Kirghizistan j'ai fait une demande de visas touristique et j'ai pu revenir en Russie sans problème. Le temps de mettre à jour mon nouveau passeport. En tous cas si tu viens par ici (Irkoutsk)j'aurais plaisir à te rencontrer.
C'est ce que l'on appelle de la quintessence de connerie humaine - le monde en est plein...et là en France on est très très fort !
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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par marcc » 26 déc. 2023, 18:17

Est-Motorcycles a écrit :
26 déc. 2023, 18:07
uraleur a écrit :
26 déc. 2023, 16:14
Les frontières avec la Russie sont ouvertes, mis à part l'Ukraine et la Finlande je crois.
Mon récent problème pour rentrer en Russie n'était pas dû aux russes mais au service des passeports en mairie française qui n'a pas suivi la procédure convenue et je me suis présenté à la frontière russe avec un passeport neuf sans visa et la page arrachée de mon ancien passeport sur laquelle était collé mon permis de séjour. Ça les a fait gentiment rigoler et ils m'ont prié de repartir d'où je venais. Dû Kirghizistan j'ai fait une demande de visas touristique et j'ai pu revenir en Russie sans problème. Le temps de mettre à jour mon nouveau passeport. En tous cas si tu viens par ici (Irkoutsk)j'aurais plaisir à te rencontrer.
C'est ce que l'on appelle de la quintessence de connerie humaine - le monde en est plein...et là en France on est très très fort !
Je trouve que depuis un moment une certaine catégorie de mes concitoyens touche le fond question connerie et incompétence..... :? En tout cas bonne route à toi !

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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par uraleur » 27 déc. 2023, 18:52

Parfois un semblant de relief apparaît, quelques virages cassent la rectitude du tracé « routier » dans la steppe. Puis la ligne droite infinie réapparaît. Mais dans la pratique la ligne droite se négocie par d'infinis virages. Un slalom continu entre les plus gros trous que je tente d'éviter et les plus petits dans lesquels je me résigne à rouler. La manœuvre n'est pas si simple car parfois pour éviter un trou profond à la moto, j'abandonne la roue du side à une destiné parfois pire que ce que je tentais d'éviter. Mais globalement les évitements sont plus nombreux que les claquements de suspensions aux prises avec l'obstacle. Encore faut-il ne pas oublier les automobilistes résigner, ou plutôt obstinés, qui doublent sans prévenir. Mais je ne peux empêcher un jovial salut, quand quelques dizaines de kilomètres plus loin , je les double alors qu'ils remplacent une roue crevée. Pour certains c'est la deuxième crevaison, celle qui immobilise pendant des heures ou plus. Le temps de trouver à réparer le pneu crevé. Il y a ici pour beaucoup d'automobilistes une faculté à s'abandonner à la Providence. Laquelle Providence semble tout ignorer des Frères Jacques et du pneu (Michelin!) qui boit sans avoir soif, l'obstacle en son chemin...
Dans la traversée de ces steppes monotones parfois un élément de décor change. Une cassure de cette steppe laisse paraître quelques rochers que « la route » contourne.
Parfois, d'un amoncellement de roches surgit une source d'eau claire. Facile à trouver car annoncée par des rubans souvent bleus ou blancs accrochés aux buissons. Les voitures stoppent et les passagers s'empressent de remplir bouteilles et bidons d'une eau qui semble être l'objet d'attentions religieuses. Le chamanisme est très présent au Kazakhstan. Une autre fois un troupeau de chevaux s'égaille dans quelques rares places herbeuses. Et quand la route fend la steppe de concert avec la voie ferrée, c'est l'impressionnante longueur des trains qui surprend. On ne voit pas encore la queue du convoi que déjà la tête a disparue. Quelle énergie pour mettre en mouvement cette infinitude de wagons. Le sous-sol du Kazakhstan est très généreux, notamment en minerais, pétrole et uranium. Le Kazakhstan produit plus de 30% de l'uranium mondial, quand au pétrole il représente 55% du budget national. Vu l'état des routes, le chemin de fer est essentiel.
Mais pour moi le clou du spectacle n'est pas dans le sous-sol mais dans les airs. Une base aérienne avec piste parallèle à la route. Décollage et montée quasi verticale d'un Sukhoï 27 coloré d'un joli bleu clair. Je m'arrête au bord de la route et m'installe comme au meeting aérien. Deuxième décollage, suivi d'un passage basse altitude. Si l'on fait abstraction de la finalité de l'engin il y a un côté captivant , et habillés de bleu clair ces avions ressemblent plus à des jouets qu'à des armes . Depuis le talus où je suis monté j'aperçois des nez d'avions, tapis dans des abris recouverts de terre. Et encore d'autres passages assourdissants, et … je devais m'y attendre, un gros 4x4 kaki arrive et un militaire me fait un signe très explicite, m'invitant à quitter les lieux. Je ne demande pas plus d'explication et je quitte l'endroit au plus vite. Je n'en suis pas à mon coup d'essais dans ce genre de mésaventures car il m'est arrivé d'aller admirer les Boeing et autres Airbus en bout de piste de l'aéroport de Genève. Voiture garée perpendiculaire à la piste, devant un haut grillage, pour regarder passer les jets à quelques dizaine de mètres de distance, trains sortis et roues à quelques mètres du sol. Sauf que ce jour était la veille d'une réunion de l'ONU et que ma voiture était un gros 4x4 vert foncé, bâché et surmonté d'une galerie sur laquelle je transportait mon delta-plane. Il n'a fallut que quelques minutes pour qu'arrive et se poste en face de moi une auto-mitrailleuse. Un militaire émerge de la tourelle et m'invite à déguerpir au plus vite. Même si la forme du delta-plane pouvait faire croire à un canon posé sur le 4x4, je ne me suis pas senti en position de force et j'ai vite abandonné le terrain !
Comme la Suisse, ce souvenir est loin, et la steppe devant moi est infinie. Ici, l'infini a des limites car peu à peu le relief se relève, la steppe s'efface devant le roc.
D'abord petit roc certes, mais grande amélioration car étrangement le revêtement n'est plus du toc.
Il y a maintenant plus de plein que de trous!
Tiens en parlant de plein... Je me suis arrêté dans une petite ville pour acheter quelques provisions. En sortant de la boutique un jeune homme très enjoué me parle, mais je ne comprend absolument rien. Je comprend seulement que quelque chose est anormal. Problème mental, alcool... ? Puis il fait un signe qu'en premier lieu j'interprète comme une menace. Il pointe son index contre sa gorge. Je me demande si c'est une variante du « sourire kabyle » qu'il me promet. Finalement je comprend qu'il s'agit d'une invitation à boire un coup ensemble. Je l'appendrai un peu plus tard, ce signe est compris par tous les ressortissants de l'ex URSS. Visiblement il a pris de l'avance et j'ai toutes les peines du monde à me débarrasser de l'ivrogne. Je suis sauvé par son téléphone qui sonne. Il répond et j'en profite pour organiser ma fuite. Au téléphone il n'a pas le temps de placer un mot. Bien que distant de quelques mètres j'entends une voix féminine qui à l'autre bout du téléphone, le houspille , et le remet en moins de deux sur le chemin de la maison. Merci madame ! Je peux reprendre mon droit chemin.

Une ultime nuit kazakh m'a conduit au bout d'un chemin empierré où j'ai installé ma tente. Une rivière, quelques arbres, la nuit tombant je n'ai pas pu vérifier l'endroit. Surprise du matin, des animaux rodent autours de la tente. Je sors en catastrophe et tombe nez à museau avec une vache porteuse de cornes démesurées. Je me ressaisis et tente de faire fuir les intruses. Je comprends vite que l'intrus c'est moi. Les arbres sous lesquels j'ai planté ma tente sont des pommiers et les belles croquent à pleine dents tous les fruits à leur portée. Je les éloigne de la tente que je repli rapidement. Si j'étais arrivé plus tôt hier, j'aurais remarqué les bouses environnantes. Qu'à cela ne tienne, je profite de l'aubaine et je grimpe dans l'arbre pour cueillir quelques pommes inaccessibles aux bovins et qui agrémenteront ma journée.

Aujourd'hui passage de frontière. Suivant les conseils de Charly (le suisse vagabond) c'est le petit poste frontière, peu fréquenté (c'est l'intérêt) de Shemonaikha qui me fera quitter le Kazakhstan et mettre un premier pied en territoire russe par le non moins petit poste de douane de Mikhailovka. Effectivement, nouveau record de traversée de frontières. Dans le petit poste russe nous sommes 5, la personne qui termine de remplir ses documents au guichet, un jeune couple avec un enfant, et moi. La jeune femme, visiblement russe, me demande en anglais si je suis français. Je suis surpris car je n'ai pas parlé, je n'ai pas de signe distinctif. Je lui répond par l'affirmative et lui demande comment elle a deviné cela. Elle me répond que c'est mon visage. J'ai donc une tête de français ! J'insiste et elle me répond que j'ai un visage de « gallic ». Mon anglais n'étant pas très performant je comprends « gaellic ». Je lui dit que « gaellic » ils habitent en grande Bretagne. Et elle de me répondre : « No,no,no, Asterix and Obélix ». Elle ne parlais pas des gallois mais des gaulois. Ouf, l'honneur est sauf ! Quoi que me comparer à Astérix ou Obélix... Comme quoi, par delà la caricature, il doit y avoir un profil typique du gaulois !
Et voilà, premiers tours de roues sur une petite route russe. J'essaye d'imaginer où je me trouve dans cet immense pays. Je sais que je suis à peu prés à mi chemin entre les frontières européennes et Vladivostok. Mauvaise idée que de rêver un pays quand on y est bel est bien. Je suis dans une petite agglomération, pas vraiment de route principale, je me dirige au hasard pour finir par m'arrêter et faire demi-tour sur une route devenue guère plus large que le side. Tant bien que mal je fais le chemin à l'envers pour arriver à un point où la route principale faisait un virage à 90° à gauche et moi, perdu dans une géographie méconnue, j'ai tracé tout droit.
Denis reprend-toi, t'es pas encore rendu !
Je n'ai pas le temps de rejoindre Barnaul aujourd'hui et je m'arrête dans un gros village, un peu animé par le marché central. Visite d'un hôtel, un peu trop cher, un deuxième, moins sympa mais le prix me convient. Un bankomat pour retirer des roubles, des provisions pour la route, une barquette de riz et viande de mouton pour le festin du jour et retour à l'hôtel. En route j'aperçois un Ural local piloté par un homme non moins local. Longue barbe blanche, pas de casque, blouson ouvert sur une chemise à carreau. Croyant rencontrer un sympathisant du club Ural local, je lui fais des signes désespérés. Il m'ignore complètement, comme si j'étais transparent. Ici on n'est ni heureux, ni fier, ni différent de rouler en Ural. On se déplace, simplement.

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Message par Est-Motorcycles » 27 déc. 2023, 19:14

uraleur a écrit :
27 déc. 2023, 18:52
Parfois un semblant de relief apparaît, quelques virages cassent la rectitude du tracé « routier » dans la steppe. Puis la ligne droite infinie réapparaît. Mais dans la pratique la ligne droite se négocie par d'infinis virages. Un slalom continu entre les plus gros trous que je tente d'éviter et les plus petits dans lesquels je me résigne à rouler. La manœuvre n'est pas si simple car parfois pour éviter un trou profond à la moto, j'abandonne la roue du side à une destiné parfois pire que ce que je tentais d'éviter. Mais globalement les évitements sont plus nombreux que les claquements de suspensions aux prises avec l'obstacle. Encore faut-il ne pas oublier les automobilistes résigner, ou plutôt obstinés, qui doublent sans prévenir. Mais je ne peux empêcher un jovial salut, quand quelques dizaines de kilomètres plus loin , je les double alors qu'ils remplacent une roue crevée. Pour certains c'est la deuxième crevaison, celle qui immobilise pendant des heures ou plus. Le temps de trouver à réparer le pneu crevé. Il y a ici pour beaucoup d'automobilistes une faculté à s'abandonner à la Providence. Laquelle Providence semble tout ignorer des Frères Jacques et du pneu (Michelin!) qui boit sans avoir soif, l'obstacle en son chemin...
Dans la traversée de ces steppes monotones parfois un élément de décor change. Une cassure de cette steppe laisse paraître quelques rochers que « la route » contourne.
Parfois, d'un amoncellement de roches surgit une source d'eau claire. Facile à trouver car annoncée par des rubans souvent bleus ou blancs accrochés aux buissons. Les voitures stoppent et les passagers s'empressent de remplir bouteilles et bidons d'une eau qui semble être l'objet d'attentions religieuses. Le chamanisme est très présent au Kazakhstan. Une autre fois un troupeau de chevaux s'égaille dans quelques rares places herbeuses. Et quand la route fend la steppe de concert avec la voie ferrée, c'est l'impressionnante longueur des trains qui surprend. On ne voit pas encore la queue du convoi que déjà la tête a disparue. Quelle énergie pour mettre en mouvement cette infinitude de wagons. Le sous-sol du Kazakhstan est très généreux, notamment en minerais, pétrole et uranium. Le Kazakhstan produit plus de 30% de l'uranium mondial, quand au pétrole il représente 55% du budget national. Vu l'état des routes, le chemin de fer est essentiel.
Mais pour moi le clou du spectacle n'est pas dans le sous-sol mais dans les airs. Une base aérienne avec piste parallèle à la route. Décollage et montée quasi verticale d'un Sukhoï 27 coloré d'un joli bleu clair. Je m'arrête au bord de la route et m'installe comme au meeting aérien. Deuxième décollage, suivi d'un passage basse altitude. Si l'on fait abstraction de la finalité de l'engin il y a un côté captivant , et habillés de bleu clair ces avions ressemblent plus à des jouets qu'à des armes . Depuis le talus où je suis monté j'aperçois des nez d'avions, tapis dans des abris recouverts de terre. Et encore d'autres passages assourdissants, et … je devais m'y attendre, un gros 4x4 kaki arrive et un militaire me fait un signe très explicite, m'invitant à quitter les lieux. Je ne demande pas plus d'explication et je quitte l'endroit au plus vite. Je n'en suis pas à mon coup d'essais dans ce genre de mésaventures car il m'est arrivé d'aller admirer les Boeing et autres Airbus en bout de piste de l'aéroport de Genève. Voiture garée perpendiculaire à la piste, devant un haut grillage, pour regarder passer les jets à quelques dizaine de mètres de distance, trains sortis et roues à quelques mètres du sol. Sauf que ce jour était la veille d'une réunion de l'ONU et que ma voiture était un gros 4x4 vert foncé, bâché et surmonté d'une galerie sur laquelle je transportait mon delta-plane. Il n'a fallut que quelques minutes pour qu'arrive et se poste en face de moi une auto-mitrailleuse. Un militaire émerge de la tourelle et m'invite à déguerpir au plus vite. Même si la forme du delta-plane pouvait faire croire à un canon posé sur le 4x4, je ne me suis pas senti en position de force et j'ai vite abandonné le terrain !
Comme la Suisse, ce souvenir est loin, et la steppe devant moi est infinie. Ici, l'infini a des limites car peu à peu le relief se relève, la steppe s'efface devant le roc.
D'abord petit roc certes, mais grande amélioration car étrangement le revêtement n'est plus du toc.
Il y a maintenant plus de plein que de trous!
Tiens en parlant de plein... Je me suis arrêté dans une petite ville pour acheter quelques provisions. En sortant de la boutique un jeune homme très enjoué me parle, mais je ne comprend absolument rien. Je comprend seulement que quelque chose est anormal. Problème mental, alcool... ? Puis il fait un signe qu'en premier lieu j'interprète comme une menace. Il pointe son index contre sa gorge. Je me demande si c'est une variante du « sourire kabyle » qu'il me promet. Finalement je comprend qu'il s'agit d'une invitation à boire un coup ensemble. Je l'appendrai un peu plus tard, ce signe est compris par tous les ressortissants de l'ex URSS. Visiblement il a pris de l'avance et j'ai toutes les peines du monde à me débarrasser de l'ivrogne. Je suis sauvé par son téléphone qui sonne. Il répond et j'en profite pour organiser ma fuite. Au téléphone il n'a pas le temps de placer un mot. Bien que distant de quelques mètres j'entends une voix féminine qui à l'autre bout du téléphone, le houspille , et le remet en moins de deux sur le chemin de la maison. Merci madame ! Je peux reprendre mon droit chemin.

Une ultime nuit kazakh m'a conduit au bout d'un chemin empierré où j'ai installé ma tente. Une rivière, quelques arbres, la nuit tombant je n'ai pas pu vérifier l'endroit. Surprise du matin, des animaux rodent autours de la tente. Je sors en catastrophe et tombe nez à museau avec une vache porteuse de cornes démesurées. Je me ressaisis et tente de faire fuir les intruses. Je comprends vite que l'intrus c'est moi. Les arbres sous lesquels j'ai planté ma tente sont des pommiers et les belles croquent à pleine dents tous les fruits à leur portée. Je les éloigne de la tente que je repli rapidement. Si j'étais arrivé plus tôt hier, j'aurais remarqué les bouses environnantes. Qu'à cela ne tienne, je profite de l'aubaine et je grimpe dans l'arbre pour cueillir quelques pommes inaccessibles aux bovins et qui agrémenteront ma journée.

Aujourd'hui passage de frontière. Suivant les conseils de Charly (le suisse vagabond) c'est le petit poste frontière, peu fréquenté (c'est l'intérêt) de Shemonaikha qui me fera quitter le Kazakhstan et mettre un premier pied en territoire russe par le non moins petit poste de douane de Mikhailovka. Effectivement, nouveau record de traversée de frontières. Dans le petit poste russe nous sommes 5, la personne qui termine de remplir ses documents au guichet, un jeune couple avec un enfant, et moi. La jeune femme, visiblement russe, me demande en anglais si je suis français. Je suis surpris car je n'ai pas parlé, je n'ai pas de signe distinctif. Je lui répond par l'affirmative et lui demande comment elle a deviné cela. Elle me répond que c'est mon visage. J'ai donc une tête de français ! J'insiste et elle me répond que j'ai un visage de « gallic ». Mon anglais n'étant pas très performant je comprends « gaellic ». Je lui dit que « gaellic » ils habitent en grande Bretagne. Et elle de me répondre : « No,no,no, Asterix and Obélix ». Elle ne parlais pas des gallois mais des gaulois. Ouf, l'honneur est sauf ! Quoi que me comparer à Astérix ou Obélix... Comme quoi, par delà la caricature, il doit y avoir un profil typique du gaulois !
Et voilà, premiers tours de roues sur une petite route russe. J'essaye d'imaginer où je me trouve dans cet immense pays. Je sais que je suis à peu prés à mi chemin entre les frontières européennes et Vladivostok. Mauvaise idée que de rêver un pays quand on y est bel est bien. Je suis dans une petite agglomération, pas vraiment de route principale, je me dirige au hasard pour finir par m'arrêter et faire demi-tour sur une route devenue guère plus large que le side. Tant bien que mal je fais le chemin à l'envers pour arriver à un point où la route principale faisait un virage à 90° à gauche et moi, perdu dans une géographie méconnue, j'ai tracé tout droit.
Denis reprend-toi, t'es pas encore rendu !
Je n'ai pas le temps de rejoindre Barnaul aujourd'hui et je m'arrête dans un gros village, un peu animé par le marché central. Visite d'un hôtel, un peu trop cher, un deuxième, moins sympa mais le prix me convient. Un bankomat pour retirer des roubles, des provisions pour la route, une barquette de riz et viande de mouton pour le festin du jour et retour à l'hôtel. En route j'aperçois un Ural local piloté par un homme non moins local. Longue barbe blanche, pas de casque, blouson ouvert sur une chemise à carreau. Croyant rencontrer un sympathisant du club Ural local, je lui fais des signes désespérés. Il m'ignore complètement, comme si j'étais transparent. Ici on n'est ni heureux, ni fier, ni différent de rouler en Ural. On se déplace, simplement.

Magnifique ! Le coup du Sukoï a aussi été vécu près de Mourmansk et je crus voir un ovni...Lorsqu'il est passé en rase motte à je ne sais combien de Mach je suis tombé sur le cul en vrai, couché par le souffle Comme tu le dis en dehors de "l'usage" j'ai adoré.
Nous aurions dû nous rencontrer ensemble avec Charles et deux ou trois autres (Pvdm...) sur toutes ces terres...Charles est en effet un "suisse" unique et je ne croyais pas que cette "race" existait ! :lol: :lol: Il passe régulièrement et on parle beaucoup, à chaque fois il me demande de tes nouvelles.
La vie est assez cruelle sur ces choses car nous avons une sorte de destin commun. Mais peut-être un peu plus tard au "paradis" des dingues... :P
Merci Denis, merci aussi pour la résine bien curieuse en effet - la smolka - que je me suis empressé de mâcher et en effet, le dentier est ressorti nickel ! :mrgreen: :lol:
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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par marcc » 27 déc. 2023, 23:17

merci pour ton beau récit !!

Ta description des steppes Kazakh correspond exactement à ce que j'ai ressenti en traversant le Kazakhstan, j'étais seul au volant de mon Defender et ces longues lignes droites sont ancrées dans mes souvenirs. Mon compagnon de route ne m'ayant rejoint qu'à la frontière Mongol.
Je suis aussi passé par Barnaul... mais j'en ai un souvenir vague, je vais me replonger dans mes photos :wink: .

En tout cas encore merci pour tes posts que j'attends avec impatience et que je lis avec grand plaisir !!!
Dernière modification par marcc le 28 déc. 2023, 15:34, modifié 1 fois.

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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par Est-Motorcycles » 28 déc. 2023, 08:53

marcc a écrit :
27 déc. 2023, 23:17
merci pour ton beau récit !!

Ta description des steppes Kazakh correspond exactement à ce que j'ai ressenti en traversant le Kazakhstan, j'étais seul au volant de mon Defender et ces longus lignes droites sont ancrées dans mes souvenirs. Mon compagnon de route ne m'ayant rejoint qu'à la frontière Mongol.
Je suis aussi passé par Barnaul... mais j'en ai un souvenir vague, je vais me replonger dans mes photos :wink: .

En tout cas encore merci pour tes posts que j'attends avec impatience et que je lis avec grand plaisir !!!
Oui, avec la discu sur la Roumanie, on a beaucoup de chance !
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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par pvdm100358 » 28 déc. 2023, 09:50

uraleur a écrit :
27 déc. 2023, 18:52
Parfois un semblant de relief apparaît, quelques virages cassent la rectitude du tracé « routier » dans la steppe. Puis la ligne droite infinie réapparaît. Mais dans la pratique la ligne droite se négocie par d'infinis virages. Un slalom continu entre les plus gros trous que je tente d'éviter et les plus petits dans lesquels je me résigne à rouler. La manœuvre n'est pas si simple car parfois pour éviter un trou profond à la moto, j'abandonne la roue du side à une destiné parfois pire que ce que je tentais d'éviter. Mais globalement les évitements sont plus nombreux que les claquements de suspensions aux prises avec l'obstacle. Encore faut-il ne pas oublier les automobilistes résigner, ou plutôt obstinés, qui doublent sans prévenir. Mais je ne peux empêcher un jovial salut, quand quelques dizaines de kilomètres plus loin , je les double alors qu'ils remplacent une roue crevée. Pour certains c'est la deuxième crevaison, celle qui immobilise pendant des heures ou plus. Le temps de trouver à réparer le pneu crevé. Il y a ici pour beaucoup d'automobilistes une faculté à s'abandonner à la Providence. Laquelle Providence semble tout ignorer des Frères Jacques et du pneu (Michelin!) qui boit sans avoir soif, l'obstacle en son chemin...
Dans la traversée de ces steppes monotones parfois un élément de décor change. Une cassure de cette steppe laisse paraître quelques rochers que « la route » contourne.
Parfois, d'un amoncellement de roches surgit une source d'eau claire. Facile à trouver car annoncée par des rubans souvent bleus ou blancs accrochés aux buissons. Les voitures stoppent et les passagers s'empressent de remplir bouteilles et bidons d'une eau qui semble être l'objet d'attentions religieuses. Le chamanisme est très présent au Kazakhstan. Une autre fois un troupeau de chevaux s'égaille dans quelques rares places herbeuses. Et quand la route fend la steppe de concert avec la voie ferrée, c'est l'impressionnante longueur des trains qui surprend. On ne voit pas encore la queue du convoi que déjà la tête a disparue. Quelle énergie pour mettre en mouvement cette infinitude de wagons. Le sous-sol du Kazakhstan est très généreux, notamment en minerais, pétrole et uranium. Le Kazakhstan produit plus de 30% de l'uranium mondial, quand au pétrole il représente 55% du budget national. Vu l'état des routes, le chemin de fer est essentiel.
Mais pour moi le clou du spectacle n'est pas dans le sous-sol mais dans les airs. Une base aérienne avec piste parallèle à la route. Décollage et montée quasi verticale d'un Sukhoï 27 coloré d'un joli bleu clair. Je m'arrête au bord de la route et m'installe comme au meeting aérien. Deuxième décollage, suivi d'un passage basse altitude. Si l'on fait abstraction de la finalité de l'engin il y a un côté captivant , et habillés de bleu clair ces avions ressemblent plus à des jouets qu'à des armes . Depuis le talus où je suis monté j'aperçois des nez d'avions, tapis dans des abris recouverts de terre. Et encore d'autres passages assourdissants, et … je devais m'y attendre, un gros 4x4 kaki arrive et un militaire me fait un signe très explicite, m'invitant à quitter les lieux. Je ne demande pas plus d'explication et je quitte l'endroit au plus vite. Je n'en suis pas à mon coup d'essais dans ce genre de mésaventures car il m'est arrivé d'aller admirer les Boeing et autres Airbus en bout de piste de l'aéroport de Genève. Voiture garée perpendiculaire à la piste, devant un haut grillage, pour regarder passer les jets à quelques dizaine de mètres de distance, trains sortis et roues à quelques mètres du sol. Sauf que ce jour était la veille d'une réunion de l'ONU et que ma voiture était un gros 4x4 vert foncé, bâché et surmonté d'une galerie sur laquelle je transportait mon delta-plane. Il n'a fallut que quelques minutes pour qu'arrive et se poste en face de moi une auto-mitrailleuse. Un militaire émerge de la tourelle et m'invite à déguerpir au plus vite. Même si la forme du delta-plane pouvait faire croire à un canon posé sur le 4x4, je ne me suis pas senti en position de force et j'ai vite abandonné le terrain !
Comme la Suisse, ce souvenir est loin, et la steppe devant moi est infinie. Ici, l'infini a des limites car peu à peu le relief se relève, la steppe s'efface devant le roc.
D'abord petit roc certes, mais grande amélioration car étrangement le revêtement n'est plus du toc.
Il y a maintenant plus de plein que de trous!
Tiens en parlant de plein... Je me suis arrêté dans une petite ville pour acheter quelques provisions. En sortant de la boutique un jeune homme très enjoué me parle, mais je ne comprend absolument rien. Je comprend seulement que quelque chose est anormal. Problème mental, alcool... ? Puis il fait un signe qu'en premier lieu j'interprète comme une menace. Il pointe son index contre sa gorge. Je me demande si c'est une variante du « sourire kabyle » qu'il me promet. Finalement je comprend qu'il s'agit d'une invitation à boire un coup ensemble. Je l'appendrai un peu plus tard, ce signe est compris par tous les ressortissants de l'ex URSS. Visiblement il a pris de l'avance et j'ai toutes les peines du monde à me débarrasser de l'ivrogne. Je suis sauvé par son téléphone qui sonne. Il répond et j'en profite pour organiser ma fuite. Au téléphone il n'a pas le temps de placer un mot. Bien que distant de quelques mètres j'entends une voix féminine qui à l'autre bout du téléphone, le houspille , et le remet en moins de deux sur le chemin de la maison. Merci madame ! Je peux reprendre mon droit chemin.

Une ultime nuit kazakh m'a conduit au bout d'un chemin empierré où j'ai installé ma tente. Une rivière, quelques arbres, la nuit tombant je n'ai pas pu vérifier l'endroit. Surprise du matin, des animaux rodent autours de la tente. Je sors en catastrophe et tombe nez à museau avec une vache porteuse de cornes démesurées. Je me ressaisis et tente de faire fuir les intruses. Je comprends vite que l'intrus c'est moi. Les arbres sous lesquels j'ai planté ma tente sont des pommiers et les belles croquent à pleine dents tous les fruits à leur portée. Je les éloigne de la tente que je repli rapidement. Si j'étais arrivé plus tôt hier, j'aurais remarqué les bouses environnantes. Qu'à cela ne tienne, je profite de l'aubaine et je grimpe dans l'arbre pour cueillir quelques pommes inaccessibles aux bovins et qui agrémenteront ma journée.

Aujourd'hui passage de frontière. Suivant les conseils de Charly (le suisse vagabond) c'est le petit poste frontière, peu fréquenté (c'est l'intérêt) de Shemonaikha qui me fera quitter le Kazakhstan et mettre un premier pied en territoire russe par le non moins petit poste de douane de Mikhailovka. Effectivement, nouveau record de traversée de frontières. Dans le petit poste russe nous sommes 5, la personne qui termine de remplir ses documents au guichet, un jeune couple avec un enfant, et moi. La jeune femme, visiblement russe, me demande en anglais si je suis français. Je suis surpris car je n'ai pas parlé, je n'ai pas de signe distinctif. Je lui répond par l'affirmative et lui demande comment elle a deviné cela. Elle me répond que c'est mon visage. J'ai donc une tête de français ! J'insiste et elle me répond que j'ai un visage de « gallic ». Mon anglais n'étant pas très performant je comprends « gaellic ». Je lui dit que « gaellic » ils habitent en grande Bretagne. Et elle de me répondre : « No,no,no, Asterix and Obélix ». Elle ne parlais pas des gallois mais des gaulois. Ouf, l'honneur est sauf ! Quoi que me comparer à Astérix ou Obélix... Comme quoi, par delà la caricature, il doit y avoir un profil typique du gaulois !
Et voilà, premiers tours de roues sur une petite route russe. J'essaye d'imaginer où je me trouve dans cet immense pays. Je sais que je suis à peu prés à mi chemin entre les frontières européennes et Vladivostok. Mauvaise idée que de rêver un pays quand on y est bel est bien. Je suis dans une petite agglomération, pas vraiment de route principale, je me dirige au hasard pour finir par m'arrêter et faire demi-tour sur une route devenue guère plus large que le side. Tant bien que mal je fais le chemin à l'envers pour arriver à un point où la route principale faisait un virage à 90° à gauche et moi, perdu dans une géographie méconnue, j'ai tracé tout droit.
Denis reprend-toi, t'es pas encore rendu !
Je n'ai pas le temps de rejoindre Barnaul aujourd'hui et je m'arrête dans un gros village, un peu animé par le marché central. Visite d'un hôtel, un peu trop cher, un deuxième, moins sympa mais le prix me convient. Un bankomat pour retirer des roubles, des provisions pour la route, une barquette de riz et viande de mouton pour le festin du jour et retour à l'hôtel. En route j'aperçois un Ural local piloté par un homme non moins local. Longue barbe blanche, pas de casque, blouson ouvert sur une chemise à carreau. Croyant rencontrer un sympathisant du club Ural local, je lui fais des signes désespérés. Il m'ignore complètement, comme si j'étais transparent. Ici on n'est ni heureux, ni fier, ni différent de rouler en Ural. On se déplace, simplement.
Fameux! Tu écris bien, on s'y croirait! Merci pour ça.

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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par lesrousses2 » 29 déc. 2023, 06:06

J'adore!!! je suis bluffé par la quantité de détails que tu as mémorisé :D

uraleur
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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par uraleur » 29 déc. 2023, 10:28

J'ai pris quelques notes et j'ai la mémoire des photos que j'ai prises, même si je n'ai plus les photos !
Et surtout je crois que j'étais dans un autre monde. Tout du moins en train d'y aller !

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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par Est-Motorcycles » 29 déc. 2023, 17:34

uraleur a écrit :
29 déc. 2023, 10:28
J'ai pris quelques notes et j'ai la mémoire des photos que j'ai prises, même si je n'ai plus les photos !
Et surtout je crois que j'étais dans un autre monde. Tout du moins en train d'y aller !
C'est ça le fil réel...
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Re: URALEUR : J'ME PRESENTE (façon Ballavoine) car je pars en IRAN en side

Message par SamFz » 31 déc. 2023, 14:10

Bonjour Denis,
J'ai rattrapé mon retard et lu ton aventure, et quelle aventure !

Ton récit est très bien retranscrit, nous n'avons aucun mal à sentir les émotions et les paysages.

Hâte de lire la suite !

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