La route file.
Vassili claque de tous ses centimètres-cubes parcourant dans sa grande fidélité de fonctionnement de somptueux paysages emplis de lacs et de légendes. Les rennes sont partout et il faut être très prudent...A ce rythme le chalet est retrouvé avec joie.
Surprise, la soeur de la propriétaire avait placé un petit troll sur la table pour accueillir : j'en ai presque pleuré tant sa signification est profonde.
Il faut dire qu'en partant le prix des premiers jours passés ici avait été placé sur la table en liquide, que plusieurs jours après le chalet fut loué à des finlandais et que la propriétaire trouva l'argent : un niveau de confiance incroyable règne ici, et je vous assure que cela change la vie et que l'on ne se rend pas compte comme les clés, les verrouillages, les portes, les cadenas etc...usent insensiblement la vie et perpétuent l'activation du feu caché du stress.
Je n'avais nulle part vécu dans cette quiétude depuis le dernier voyage en Finlande voici deux années passées.
Ecoutez mes amis, si je pouvais vous faire un seul cadeau, juste un seul jusqu'à la fin de vos jours, vous savez ce que je vous donnerais ? La confiance. Car elle repose, elle est l'habit de l'amour, de la paix et elle parfume l'existence.
On dirait que la Finlande fais confiance et qu'elle incite à s'abandonner paisiblement aux forces de la Vie. Elles savent alors te guider, te réconforter et te dicter la meilleure façon de régler tous tes conflits. C'est un cadeau qui n'a pas de prix et qui est ici offert gracieusement.
Chez "nous" je suis consterné de voir à quel point tout est fait pour casser les élans, les audaces, les rêves, pour inciter inciter au scepticisme, voire au cynisme, alors qu’il faudrait insuffler de la force et de la confiance dans le monde. Cela je le trouve là-bas, je suis désolé, mais plus ici. En fait je connais ici des jours heureux. Et les finlandais sont heureux lorsque vous le rendez la pareille en retour car ils voient que vous avez compris une des essences de leur pays...
Petite séance de pêche aussi paisible qu'énergisante...suivie d'une friture inoubliable - j'en ai encore le goût dans les papilles...
La Laponette m'attendais bien sagement - encore une histoire de confiance car sous le matelas dormait l'enveloppe de toutes mes économies ! Rien n'avait bougé, la mini caravane n'avait même pas été déplacée...
Le lendemain je retrouvais les verriers métamorphosés.
Manifestement ils vécurent une grande histoire d'amour.
J'étais heureux de les voir, mais plus heureux encore de les revoir plus unis.
Je crois qu'ils avaient dépassé une étape rare dans un couple : habituellement il est dit qu'il faut tenter de rendre l'autre heureux mais...c'est rarement possible et on se trompe souvent (on a déjà tant de mal à se connaître soi-même, alors tenter de connaître l'autre...). Là, le cap de tenter d'être heureux soi-même puis
d'offrir ce bonheur à l'autre a été franchi.
Mystère insondable. Là encore pas de technologie, de méthode, de "comment tu as fait", de carte ni de plan et encore moins d'horloge. Seulement du vécu et un regard sur l'autre.
Dès lors,
soi heureux prend un sens sacré. Ils ont essayé de régler à deux des problèmes qu'ils n'auraient jamais eu seuls.
On est trois dans un couple. L'une et l'autre de ces personnes qui composent le couple, donc deux et le couple lui même trois. Il faut que les trois existent et que les deux premiers puissent s'exprimer à propos du troisième quitte à se disputer, à confronter ses idées et ses opinions à propos du couple. Trop nombreux ne dépassent pas le nombre de deux...
Devenir trois crève les effets de celui qui est le plus amoureux dans le couple car il n'y a plus de perdant : l'autre n'a plus d'ascendant sur lui...
C'est pourquoi je suis persuadé qu'il est préférable de tenir plus à son couple qu’à son mari ou à sa femme...
Nous n'évoquions pas nos expériences respectives car nous savions qu'elles étaient fortes et indicibles.
Nous ne tenions pas à étaler les cartes postales, à raconter - en fait à monopoliser l'autre en le faisant chier avec quelque chose que l'on n'a pas vécu, à tenir en quelque sorte le vécu de l'autre en pensant que le sien doit être raconté et détaillé au dessus...J'ai toujours fui cette forme d'indécence...et quelquefois il m'arrive de rencontrer des gens qui me disent "alors...raconte...! " mais lorsque vous commencez à raconter on voit bien qu'ils n'écoutent rien.
Là ce fut quelques touches de pinceaux sur la toile de l'horizon, des regards, des silences partagés, des sensations contées en trois mots, des soupires, des sourires profonds.
Nous étions heureux mais au delà de tout cela une chose capitale surnageait : le fait d'avoir cheminé sur presque le même itinéraire, d'avoir été frappé en pleine tête par des images puissantes.
J'attelais enfin la Laponette et vécu mon dernier soir près du Cercle Polaire, dans ce chalet maintenant référence intérieure très solide...
Cette nuit-là je ne dormis pas.
Le sommeil du coeur dormait à ma place...Le sommeil des yeux n'est qu'un demi sommeil, si l'on n'a pas le sommeil du cœur.
Mon serrement de coeur avait disparu...
...