Que cherche-t-on quand on serre une vis pour maintenir une pièce A sur une pièce B ? On veut que les deux pièces A et B soient suffisamment plaquées l'une contre l'autre pour qu'elles ne se déplacent pas l'une par rapport à l'autre, même en cas de dilatation ou de rétrécissement thermiques, de vibrations, de contraintes, de corrosion. Elle peuvent ainsi continuer à assurer la fonction mécanique pour laquelle leur assemblage a été conçu.
Mais en même temps, il ne faut pas serrer trop fort. On risquerait de trop écraser la pièce A, d'allonger voire de casser la vis.
On doit donc serrer juste ce qu'il faut.
Voyons ce que ce juste ce qu'il faut signifie.
Quand on tourne la vis pour la serrer, on exerce sur elle un couple. Ce couple est d'abord très faible, puisqu'on peut l'exercer avec le bout des doigts. Il sert à enfoncer la vis jusqu'à ce que le dessous de la tête vienne en contact avec la pièce. A partir de ce moment là, le couple augmente fortement, et on a besoin d'un outil pour l'exercer : tournevis, clé plate, à tube, etc.
A quoi sert ce couple ?
A quatre effets, qui ont tous leur utilité :
- Vaincre les frottements apparaissant entre la surface inférieure de la tête de vis et la pièce.
- Vaincre les frottements apparaissant entre le filetage (mâle) de la vis et le taraudage (femelle) dans l'autre^pièce.
- Tirer sur la vis pour l'allonger.
- Ecraser la pièce pour la comprimer et maintenir, éventuellement, une étanchéité (présence d'un joint entre deux pièces).
Les deux premiers effets serviront à empêcher la vis de se dévisser toute seule. Mais pendant le vissage, ces effets sont parasites. A couple de serrage égal, le troisième effet sera plus ou moins grand selon que les frottements seront plus ou moins grands. Si on a lubrifié la vis, les frottements seront plus faibles. Et comme on exerce un couple constant, cet effet sera plus important.
L'effet 3 (tirer la vis pour l'allonger) sert à profiter de l'élasticité de la vis pour qu'elle comprime la pièce A par exmple et la plaque contre la pièce B, même en cas de variations de côtes. Plus on serrera fort, plus on tirera sur la vis, et plus on empêchera les deux pièces A et B de se décoller sous l'effet des vibrations, des variations de température, des efforts extérieurs.
L'effet 4. est complémentaire de l'effet 3. Si la vis est beaucoup plus résistante que la pièce B, celle-ci s'écrasera beaucoup alors que la vis s'allongera peu. Et inversement.
Ayant identifié ce qui se passe exactement pendant le serrage d'une vis, il n'a pas fallu longtemps aux ingénieurs pour mettre tout ça en équations, faire des essais, et en tirer les valeurs de couples ad hoc. Et ce bien avant que les ordinateurs n'apparaissent. C'est pourquoi les constructeurs donnent dans leurs notices techniques les couples de serrage à appliquer lors du remontage. Il faut respecter ces prescriptions avec soin. Il y a quand même un problème :
Le couple de frottement sous tête (1)
+ couple de frottement du filetage (2)
+ couple produisant l'allongement de la vis (3)
+ couple produisant l'écrasement de la pièce A (4)
On voit que le couple de serrage est la résultante de quatre effets. Les deux premiers sont très fortement influencés par les frottements vis-écrou-pièces, donc par les états de surface et la lubrification des pièces. Comme le couple total est celui prescrit, il est constant. Les deux effets intéressants, qui forment le couple utile, sont donc eux-aussi influencés par les mêmes frottements, mais dans l'autre sens. Plus les frottements seront élevés, moins le couple utile sera élevé.
Or les notices n'indiquent jamais dans quel état sont les pièces : état de surface de la pièce A sous la tête de la vis, lubrification du filetage. Que faire donc ? On peut supposer que les couples prescrits sont ceux qui sont appliqués sur des pièces neuves, telles qu'elles sont reçues sur la chaîne de fabrication du constructeur :
propres, non lubrifiées, zinguées-bichromatées (le plus souvent).
C'est donc comme ça qu'il faut voir les choses. Et savoir que si on lubrifie la vis, on tire d'avantage dessus pour un couple affiché à la clé dynamométrique identique.
On ne la revisse pas !
Car cette situation est trés proche de celle-là, qui pour retirer cette vis, nécessite l' utilisation la perceuse car tout est grippé, collé, mort :
...à suivre...