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Sur l?insuffisance du temps consacré à l?écoute du patient par J-J PUJO
Bien sûr, on peut être en colère quand on est auprès d?un parent malade et que l?on s?aperçoit que le personnel soignant ne fait que passer pour les soins, changer une couche ou apporter le plateau-repas, jamais ou presque pour parler et surtout pour écouter le malade, ce qu?il ressent face à son devenir, etc.? Et pourtant ce n?est pas l?envie qui manque à ces soignants mais le temps. Le personnel se débrouille comme il peut pour ''boucler'' le boulot.
À qui la faute ? Il faut savoir que le personnel n?a pas le temps de s?appesantir sur la souffrance morale du patient, il a d?autres tâches à accomplir, par exemple le nettoyage d?une chambre après le décès d?un malade; on pourrait penser que cela incombe à un service spécialisé de l?hôpital, et bien non, c?est le personnel soignant de l?unité qui doit s?en charger : une grosse machine pour nettoyer les sols, le reste à la main, à quatre personnes, cela dure près de deux heures.
Et pendant ce temps, qui s?occupe des malades ? Le reste du personnel est déjà surbooké, donc toujours pas le temps. Et je ne vous parle pas de la nuit !
Il reste le psychologue du service, quand il y en a un, c?est là aussi une question de budget.
(Les trois quarts des psychologues travaillent dans les hôpitaux psychiatriques où ils s?occupent des malades mentaux. Un petit nombre travaille dans les hôpitaux généraux).
A ce sujet, lire le mémoire : Le psychologue face à la situation de crise en service?
Ce manque de temps est dû essentiellement au manque de personnel, l?hôpital est géré comme une entreprise, budget à respecter, embauche minimum, personnel en arrêt maladie pour cause de fatigue excessive, de stress, etc.
Dans un service, il est très rare que le personnel soit au complet, les chefs de service en savent quelque chose et passent une partie de leur temps à jongler avec les plannings afin d?essayer de combler les trous des absences.
Bref, le sacro-saint planning des infirmières et aides-soignantes, en mouvement perpétuel reste la plaie vive des hôpitaux, chacun sait que les besoins augmentent et que les budgets sont totalement figés.
Alors vous dirons les soignants, "il faut se blinder, ne pas s?attacher aux malades, ce qui n?enlève pas les sentiments que l?on éprouve pour certains, mais en général on ne le montre pas, ou peu, pas de temps à perdre, seul le geste technique compte car d?autres lampes s?allument, il faut y aller "; quant au patient qui est près de la fin, si la famille n?est pas présente (ce qui dans l?idéal devrait être le cas), et bien il reste seul, le personnel passant de temps en temps voir ''si tout va bien''.
Pour rappel : Une étude menée en long séjour (CEC 1983 à 1985), en laissant des magnétophones à déclenchement vocal dans les chambres des patients. 120 secondes de communications verbales soignant- patient par 24 heures en moyenne, certaines bandes restant vierge de tout mot, pour des patients n'extériorisant rien, ou ne paraissant rien comprendre! (Étude réalisée en respectant les normes d'éthique et de confidentialité).
Cela suffit souvent à permettre au patient de ne pas s'enfoncer dans un syndrome d'immobilisme toujours iatrogène, c'est à dire fabriqué par l'institution. (Rappelons que ce syndrome d'immobilisme conduit le patient âgé à la grabatisation, avec blocage des articulations et plaintes continuelles ou mutisme. Il représente en fait une sorte de suicide à petit feu pour cause de malheur immense.)
Ce qui ressort de mon écrit, c'est le mot TEMPS. Tout est là.
Et l'amour, la compassion dans tout cela ?
La réponse est : quand on aura le temps !
Jean-Jacques PUJO
Voir le site d?Anne SOLIVERE : Carnet d'une infirmière de nuit. Prendre la parole pour s'indigner ou apaiser.
Voir ci-dessous un forum traitant du même sujet :
http://www.soignants.com/sn/newbb/viewt ... 87&start=0