J14 Narvik (Nor) – Tromso (Nor) 17/01/2022
Hier, avant de me coucher, j’ai regardé les prévisions météo de la région : elles annonçaient des chutes de neige et une température comprise entre -3 et -7° C.
A l’ouverture des rideaux, je vois qu’il neige faiblement, de tous petits flocons, aux craquements que font les véhicules qui circulent, je devine une température sous zéro ; back to the winter !!
Je petit-déjeune plus copieusement que d’habitude, car je suis décidé à ne pas gaspiller les rares heures de clarté – toute relative, d’ailleurs – à faire autre chose que rouler.
En effet, si je suis heureux de retrouver des conditions climatiques en phase avec l’endroit et la saison, j’ai quand même lu qu’elles seront fortes les chutes de neige annoncées et que, partant, les routes seront glissantes, enneigées, ce qui ne me permettra pas de rouler « vite » ; quand j’écris « vite », je pense à plus de 50Km/h.
Mise à niveau, contrôle du pneu arrière – il ne fuit plus ! – barda rangé, je démarre à 9h et fais le plein.
Pendant que je prends de l’essence, un sombre nuage s’abat et avant que je n’en aie fini, la neige tombe dru ; je reste abasourdi par la vitesse à laquelle les conditions météo changent par ici ! Cela se vérifiera tout au long de la journée. En cinq minutes, on passe d’un temps calme à la tempête de neige, et vice versa. Etonnant.
Un moment, j’hésite à prendre la route tant il fait sombre et neigeux ; mais, j’ai vu sur la carte hier, pas mal de petites villes sur le parcours, alors je me lance.
Et j’ai raison car en quittant les rives de l’océan pour bifurquer vers la montagne, les chutes de neige se font moins drues et le vent faiblit ; mais, ça monte et je me rends compte que la moto a bien des difficultés à se rendre au col… à la montée suivante, je n’y arrive pas, au col.
Se retrouver à l’arrêt en pleine côte sur ces routes étroites, me chauffe le sang ; il ne faut pas que je reste là. Et, j’enclenche le 2WD. Incroyable comme c’est efficace ; la roue du panier n’est pourtant pas cloutée, mais en relâchant doucement la poignée d’embrayage, sur un filet de gaz, elle se met en route sans problème et je poursuis en 1ère à 20 km/h jusqu’au sommet.
Y arrivé, dès que la descente s’amorce, je désenclenche le 2WD. En effet, il s’agit d’une prise directe, sans différentiel donc, qui pour être d’une redoutable motricité, rend la conduite moins fluide. Pour négocier un virage, il faut mettre le side en dérapage au risque de tirer tout droit.
En roulant après cet épisode, je m’interroge car des montées, j’en ai déjà gravi de plus pentues sans rencontrer ce souci… certes, le terrain est glissant, mais je m’interroge.
Le seul changement advenu, est que le pneu arrière ne fuit plus et qu’il se trouve donc à une pression de 2,7 kg ; et je pense me rappeler que le fabricant préconise des pressions beaucoup plus basses, de l’ordre du Kg 2-300 gr… . De même, lorsque l’on évolue dans le sable, il est utile de dégonfler ses pneus jusqu’à 1k100, 1kg 300gr.
Oui, ce doit être ça la raison de la faible motricité constatée ce matin. Dès l’espace de dégagement suivant, je m’arrête et baisse la pression du pneu arrière à 1,5 kg. (1)
Et, en effet, les choses s’arrangent ; je gravis nettement mieux les côtes.
Lorsque j’étais à l’arrêt, un 4x4 s’est arrêté et les deux gars, de très bonne humeur, de me demander « spreekt u nederlands ? » (Parlez-vous néerlandais ?) ?? heu, oui (ja) répondis-je. Ils avaient vu ma plaque Belge et supposaient que je parle la langue de Vondel. C’étaient de bons flamands de chez nous ! Ces Belges, comme les mauvaises herbes, on en trouve partout !
Peut-être nous recroiserons au Cap nord, car ils s’y rendent aussi.
La neige s’accumule et j’ai de la peine à avancer, mais je reste de bonne humeur car ces conditions sont celles auxquelles je m’attends; elles sont difficiles, mais ces moments d’angoisse légère, de doute, génèrent ce je ne sais quoi d’adrénaline, de peur positive, de défi à relever. C’est motivant et instructif.
La neige est légère, fine, gelée.
Elle serpente au ras du sol ou, sous une bourrasque ou au passage d’un poids lourd, s’élève en tourbillonnant en un mur immaculé, me laissant un instant aveugle. Je réduis encore la vitesse pour ne pas me laisser surprendre lors de ces moments de brouillard impénétrable. J’ai allumé mes feux avant et arrière afin d’être vu par mes poursuivants.
Puis, c’est l’accalmie ; je vois même des coins de ciel bleu et je m’arrête pour prendre quelques photos. Un passage de rochers bleus de glace, des silhouettes d’arbres, des montagnes lointaines.
Cela ne durera qu’une demi-heure, et j’en profite pleinement pour admirer ces paysages magnifiques de pureté ; tous les lacs que je longe, sont à présent gelés et couverts d’un blanc duvet.
Vers 13h30’, cela fait quatre heures et demie que je suis en selle ; tant mes fesses que ma vessie crient grâce et je leur octroi un repos, le temps de boire un café et d’avaler…un Snickers !
Je m’arrête sous une neige battante, je repars par temps calme, presque clair. Surprenant, vous dis-je.
Il me reste 95 km pour arriver à Tromso, soit deux bonnes heures de roulage.
La neige me laissera une demie heure de répit avant de reprendre en force et d’assombrir la vallée.
Relongeant la mer, la température reprend deux degrés et le vent d’Ouest forcit ; les flocons n’en sont que plus nombreux.
J’arriverai à l’hôtel que m’a réservé ma fille avant de quitter hier soir la ville, vers 15h30’ ; j’y trouverai ma liseuse et…du chocolat ! Délicate attention pour un membre de la famille liée par un atavisme, le goût pour le bon chocolat !
A Tromso, je compte y rester quelques jours, tant pour entretenir ma machine, que pour m’offrir un peu de bon temps, de visiter l’endroit.
La destination suivante sera d’atteindre le Cap Nord, distant de 531 km, en deux jours.
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(1) Le fabricant, Heidenau en l’occurrence, prévoit ces pneus pour le tout-terrain et, donc des faibles pressions. Pour les sidecars Ural, nous mettons des pressions nettement plus élevées pour circuler sur le bitume afin, d’une part, de limiter l’usure, et, d’autre part, d’augmenter la stabilité de l’attelage.



